La violence de son attaque a montré que Nasrallah se dissociait de la position de son allié iranien qui affirme qu’Israël était le responsable des attentats-suicides qui ont visé l’ambassade d’Iran à Beyrouth le 19 novembre dernier.
Nasrallah a estimé que l’Iran, en tant que nation, veut légitimement protéger ses intérêts et que les attentats contre les ambassades étaient un signe de la colère et du dépit de l’Arabie saoudite envers l’accord sur le nucléaire conclu à Genève entre Téhéran et les pouvoirs P+5.
Auparavant, Nasrallah n’avait jamais mentionné l’Arabie Saoudite nommément dans ses critiques. Cette attaque récente frontale, toutefois, reflète la profondeur de la crise qui est parvenue au point de troubler les relations entre les deux côtés. Une source du Hezbollah s’exprimant à Al -Monitor a décrit le niveau de tensions comme le résultat d’une annonce par Riyad d’une guerre sécuritaire et politique déclarée contre le parti du Hezbollah.
En essence, la crise actuelle entre l’Arabie saoudite et le Hezbollah tourne autour du refus par Riyad de l’influence iranienne dans le monde arabe - en particulier dans le Levant, comme en Syrie, en Irak et au Liban. Riyad considère le Hezbollah comme l’agent de l’Iran dans le Levant, et sa colère contre le parti s’est accrue après que le Hezbollah ait étendu ses activités au-delà du Liban pour jouer un efficace rôle militaire aux côtés du régime du président Bachar al -Assad en Syrie. Riyad met en évidence la bataille pour Qusair, à laquelle le parti a participé plus tôt cette année, comme la preuve du développement de l’influence du Hezbollah au-delà des frontières du Liban et de son rôle d’agent iranien au Moyen-Orient.
Le 28 novembre, le Conseil de coopération du Golfe a annoncé l’imposition de sanctions supplémentaires à l’encontre des intérêts du Hezbollah au sein de ses États membres. Il a également menacé d’étendre les sanctions si la présence militaire du parti en Syrie se poursuivait. En réponse , Nasrallah a dit que toute personne qui pense que son parti va se retirer de Syrie à la suite de pressions sécuritaires, économiques ou politiques se trompe lourdement. Auparavant, dans un discours prononcé le 16 août , il avait déclaré qu’il « n’hésiterait pas à aller combattre [personnellement] , si la bataille pour défendre la Syrie exigeait que lui et son parti le fassent ».
La forte impression qui règne à l’intérieur du Hezbollah est que les services d’espionnage de l’Arabie saoudite mène une politique d’agression et une campagne de mobilisation sans précédent contre le parti, dans le but d’affaiblir sa volonté politique, et notamment son niveau de participation dans la guerre en Syrie. Le parti estime en particulier que le prince Bandar bin Sultan est directement derrière les attentats de ces derniers mois visant la banlieue sud de Beyrouth, un des bastions du Hezbollah. Des extrémistes salafistes ont revendiqué la responsabilité de ces attaques, les justifiant comme étant une réplique au rôle joué par le Hezbollah dans la guerre syrienne.
Dans la lutte contre la campagne lancée par l’Arabie saoudite - campagne qui inclut la participation de l’alliance du 14 mars, un rival du Hezbollah au Liban - le Parti de Dieu n’a cessé de justifier sa présence militaire en Syrie dans le cadre d’ une guerre préventive pour empêcher les dizaines de milliers d’extrémistes islamistes d’atteindre la frontière syro-libanaise. Selon l’analyse faite par le Hezbollah, après avoir atteint la frontière, ces extrémistes transformeraient le Liban en un autre Irak où la violence sectaire et terroriste est aujourd’hui très largement répandue. De leur côté, l’alliance du 14 Mars et les États du Golfe soutiennent que les attentats survenus au Liban sont une réaction « normale » de défense de la part des factions salafistes en Syrie contre la participation du Hezbollah à la guerre aux côtés du régime .
Cette polémique ressemble maintenant à la question très futile de « ce qui est venu en premier ? La poule ou l’oeuf ? » En parallèle, l’inquiétude au Liban se renforce que la guerre entre les salafistes et le Hezbollah puisse augmenter au point de s’apparenter au conflit entre sunnites et chiites qui coûte tous les jours d’innombrables vies en Irak, avec de chaque côté le ciblage de l’autre camp avec des attaques à la bombe.
L’espoir de mettre un terme à la spirale infernale vers les conflits sectaires tournent actuellement autour d’un possible rapprochement irano-saoudien. Mais même cette lueur d’ espoir est l’objet de grandes réserves, au moins du point de vue d’une source proche du Hezbollah qui a parlé à Al-Monitor sous couvert d’anonymat et a noté que la question du dialogue irano-saoudien était épineuse. La même source a ajouté que, même si le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif parvenait à obtenirune visite en Arabie Saoudite, il n’y aurait pas de garantie d’un arrêt de la détérioration des relations entre les deux pays, car Téhéran rejette la volonté de Riyad de voir Assad écarté du pouvoir.
De plus l’Iran ne cessera pas de soutenir le Hezbollah au Liban, en dépit de la volonté des Saoudiens de voir le parti mis sur la touche comme condition préalable de tout accord politique entre les deux pays.