Fin juin, Elaine Sciolino, la spécialiste du livre au New York Times, signait un article intitulé « Les Français affluent toujours dans les librairies », où elle faisait l’éloge de la France, de son réseau de libraires et de sa réglementation étatique.
Si son tableau de la situation de la librairie française est hélas un peu idéalisé, il nous rappelle néanmoins à certaines réalités concrètes : « Les E-books ne représentent [en France] que 1,8 % du marché global du livre, à comparer aux 6,4 % aux États-Unis. » Précisons encore que sur ces 1,8 % de 80 % sont des commandes publiques !
Autant dire qu’avec 0,4 % du marché privé, le téléchargement de fichiers sur terminaux mobiles représente tout sauf une « diversification prometteuse » pour les éditeurs et les libraires à qui ce dernier « must » permet essentiellement de se faire délester de fonds qui auraient sans doute été mieux utilisés ailleurs.
C’est donc avec un évident discernement que nos amis anglo-saxons associent la relative bonne santé du livre en France à celle de son réseau de librairies indépendantes, gage d’accès socialisé et diversifié au livre et à la lecture. Alors qu’à l’époque où fut efficacement mis en place le dispositif du Prix unique lesennemis de ce réseau étaient la Fnac et autres « généralistes », le problème concret qui affecte aujourd’hui les libraires (et aussi bien les distributeurs et les éditeurs) est la prédation et la pression commerciale opérées par les ventes « en ligne », singulièrement par Amazon.
Comment imaginer, comment prétendre sérieusement que l’on va parvenir à ramener le public aux livres et à la fréquentation des librairies (et des bibliothèques) en légitimant ce qui les en éloigne, en développant les ventes par Internet ou, pire encore, les ventes de téléchargement de fichiers numériques ?
Tirant les leçons du fiasco des « portails numériques » comme 1001libraires.com, il s’agit maintenant de promouvoir des mesures offensives, positives et rationnelles.
D’abord contrer Amazon en le disqualifiant, et non en le légitimant, en faisant mieux et autrement, en restaurant le service et la fréquentation des librairies, grâce à un Comptoir National des Libraires, fédérant toutes ces librairies indépendantes dans une structure coopérative d’intérêt public, permettant à chacun de ces libraires de proposer à ses clients le service « Demain chez votre libraire », qui garantit aux lecteurs d’avoir dans les 24 heures, dans leur librairie, le livre de leur choix ( dans la librairie qu’ils auront géo-localisée sur le site du comptoir). [voir sur ce projet, notre actualitté]
Ce comptoir national s’inscrit dans un programme plus vaste de reconquête livresque du territoire, favorisant le maintien et l’implantation de librairies physiques (et les emplois qu’elles portent), partout en France.
Programme dont la deuxième mesure immédiate est une refonte démocratique des modalités des marchés publics des bibliothèques, mettant un terme aux dérives qui depuis quelques années ont conduit au désastreux monopole clientéliste qui partout détruit les plus fragiles des librairies indépendantes bien plus sûrement que les majorations de taux de TVA.
Ces deux premières mesures, en mettant fin aux impostures, abus et détournements que dénonce le livre de Dominique Mazuet, produiront-elles les effets bénéfiques rapides et concrets attendus pour la relance de la lecture et des activités de librairie ? Le maintien de la diversité de l’offre éditoriale ? l’accès égalitaire aux livres ? et enfin l’emploi dans les métiers du livre ?
C’est en tout cas ce que défend le Comité de défense des métiers du livre, qui se constitue en association, qui a entamé des discussions avec le ministère de la culture, et qui sera appelé prochainement à être entendu en audition par la commission des finances de l’Assemblée Nationale.
L’Association de Défense des Métiers du Livre a vocation a rassembler tous ceux parmi les défenseurs du livre qui vivent de la fabrication, de la lecture, de l’écriture et de la diffusion des livres : libraires, éditeurs, représentants, imprimeurs, diffuseurs, traducteurs, distributeurs, correcteurs, critiques, graphistes, écrivains, magasiniers, commerciaux, transporteurs, coursiers, etc. ainsi naturellement que les lecteurs de livres, dans un collectif qui portera notre protestation et notre rejet à l’encontre des évolutions désastreuses dont nous menace la poursuite d’une politique publique complètement dissociée des réalités et des attentes de ses administrés.
Cette protestation s’accompagne de propositions positives, concrètes, réalistes, démocratiques et d’application immédiate.
Plus d’informations sur AntiDématérialisation
Une petite vidéo complémentaire ne fera pas de mal :