Mardi soir 4 octobre, le présentateur de la « grande édition » de I-Télé, le sémillant Victor Robert, a annoncé à ses auditeurs une « mauvaise nouvelle pour le régime syrien, mais une bonne pour la démocratie ». De quoi s’agissait-il ? Eh bien de la défection d’un important chef militaire, un thème décidément tendance en ce moment dans la couverture occidentale de l’actualité syrienne. Mais dans le bref reportage qui suit, la « bonne nouvelle » se réduit à un pétard mouillé, ou : le « défecteur » en question n’est autre que notre « vieille connaissance » Ryad al-Assad, de l’ « Armée syrienne libre » , apparemment redevenu colonel – les commentateurs enthousiasmés l’avaient, ces derniers jours, élevé au grade de général. Toujours moustachu, mais en civil, notre colonel, désormais réfugié chez ses parrains turcs, explique qu’il a pu échapper à ses anciens camarades de l’armée syrienne, qui ont effectivement expulsé son « armée » à lui de la ville de Rastan (voir notre article « A Rastan, l’ « Armée syrienne libre a perdu la bataille » , mis en ligne le 3 octobre).
Le colonel al-Assad de retour au bercail turc
Crânant devant les caméras, Ryad al-Assad a notamment exprimé sa certitude de la chute du régime de son homonyme. Dans l’immédiat, c’est en vaincu militaire et politique, et en exilé, que Ryad al-Assad s’exprime. Et la seule chose vraie qui soit sortie de sa bouche lors de son interview télévisée est qu’il est « en lieu sûr en Turquie ». Pour le reste, c’est l’habituel lyrisme belliqueux et mensonger de la dissidence syrienne : Al-Assad parle de « plus de dix mille déserteurs » ayant choisi la clandestinité (Ryad devrait en conséquence demander au CNS d’Istambul le grade de général de division !). Un fait est patent : comme l’affirme Damas, la rébellion militaire de Rastan, que nos commentateurs voyaient déjà, dans leurs rêves bien pensants, comme le Stalingrad du régime baasiste, a été balayée en quelques jours, et ses membres rescapés contraints à la fuite chez leur employeur turc. Et tout le reste n’est que propagande de l’OSDH et de L’Express !
Il y a néanmoins plus sérieux que cette pantalonnade : l’armée syrienne, dans sa traque des groupes armés, évolue au contact de la frontière turque. Et de la province turque – mais revendiquée historiquement par Damas – du Hatay, où les troupes d’Ankara entament, ce mercredi 5 octobre, des manoeuvres devant s’étaler sur neuf jours, et où Erdogan a annoncé sa visite prochaine, en même temps que des sanctions contre la Syrie. La région demeure donc une zone à risques, même si nous répétons que M. Erdogan n’a pas les moyens de s’offrir une guerre avec la Syrie, même avec l’amical soutien de Washington, de Paris et de Bruxelles. C’est aussi dans ce district du Hatay que sont implantés les camps de réfugiés syriens, un peu sortis de l’actualité depuis deux, trois mois : à ce sujet, Reuters nous apprend que ceux-ci seraient au nombre de 7 000. Et donc, compte tenu des mensonges conjoints des autorités turques, des opposants syriens et des journalistes occidentaux, ce chiffre doit évidemment être revu à la baisse : dans quelles proportions, c’est la seule question.
Pour en revenir à I-Télé et au sympathique (au demeurant) Victor Robert, on ne peut que constater une énième fois, chez nos élites journalistiques, l’éternel cocktail d’ignorance, de bonne conscience et de sensationnalisme qui fait les meilleures désinformations. Mais, après tout, la vérité se joue sur le terrain, pas sur les plateaux d’I-Télé…