Quarante incidents dangereux se sont produits ces derniers mois entre la Russie et l’Otan, essentiellement dans les airs, dont trois auraient pu déboucher sur un conflit armé ou faire des victimes, selon le rapport du centre European Leadership Initiative (ELN), écrit mardi le quotidien Kommersant.
Les experts mettent en garde contre d’éventuelles « conséquences catastrophiques » d’une crise dans les relations Russie-Occident. Une source du ministère russe de la Défense explique cette intensification des activités de l’armée de l’air par l’augmentation des heures de vol des pilotes du District militaire Ouest de Russie.
Le premier incident s’est produit le 3 mars : un avion de ligne de la compagnie SAS en provenance de Copenhague et à destination de Rome, transportant 132 passagers, a failli percuter un avion de reconnaissance russe Il-20M. L’avion russe aurait déconnecté ses émetteurs radio, devenant ainsi invisible pour les contrôleurs aériens au sol. « La collision a été évitée uniquement grâce à une bonne visibilité et à l’attention des pilotes de SAS », affirment les auteurs du rapport, ajoutant que les avions sont passés à 90 mètres l’un de l’autre.
Le rapport indique que de tels incidents dangereux dans les airs se sont multipliés : cette année, les avions de l’OTAN ont été envoyés plus de cent fois pour intercepter des appareils russes – soit trois fois plus qu’en 2013. Le document rapporte de prétendues violations de l’espace aérien des pays de l’Alliance par des avions russes, des cas de pilotage risqué, de survol à basse altitude de navires de l’OTAN, de simulations d’attaque aérienne et d’autres incidents provocants et dangereux. La plupart d’entre eux se sont produits dans la région Baltique, dans l’Arctique, en mer Noire et le long des frontières canadienne et américaine.
Les sources du ministère russe de la Défense insistent sur le fait que les avions russes n’ont jamais violé l’espace aérien d’autres pays et que l’intensification des activités de l’armée de l’air russe est due à l’augmentation des heures de vol des pilotes du District militaire Ouest. De plus, selon une source, « pour des raisons évidentes » les patrouilles aériennes de la frontière russo-ukrainienne ont été renforcées.
Le deuxième incident grave qui, selon les auteurs du rapport, aurait pu provoquer un conflit est l’interpellation en septembre 2014, par les renseignements russes, de l’officier estonien de la police de sécurité Eston Kohver, accusé d’espionnage. Selon la version de l’OTAN, Kohver aurait en fait été enlevé sur le territoire estonien et illégalement extradé en Russie. Les experts de l’ELN sont persuadés que cet incident, qui s’est produit peu de temps après la visite du président américain Barack Obama à Tallinn [voir photo ci-dessus – NDLR], a significativement détérioré les relations entre Moscou et l’Alliance.
« Si le sang avait coulé pendant l’interpellation d’Eston Kohver, cela aurait pu provoquer une escalade dangereuse et incontrôlable », indique le document.
Le troisième incident dangereux recensé par les auteurs du rapport est la découverte en octobre dans les eaux territoriales suédoises d’un objet non identifié, qui a été considéré par l’armée suédoise comme l’invasion d’un sous-marin russe. Aucune trace de sous-marin n’a été retrouvée au cours de l’opération qui s’est déroulée du 17 au 24 octobre, mais les analystes ont jugé cet épisode potentiellement risqué : « En cas de découverte d’un sous-marin et d’usage de la force par l’armée suédoise, cela aurait fait des victimes et probablement provoqué une riposte de la Russie. »
Les auteurs du rapport appellent à créer d’urgence des canaux militaires fiables d’interaction entre la Russie et l’OTAN afin d’éviter que de tels incidents dégénèrent en conflits aux « conséquences catastrophiques ». « L’intensification de l’activité militaire des deux côtés [Russie et OTAN], la nécessité accrue de renseignements et l’aggravation générale des relations russo-occidentales qui en découle augmente la probabilité, voire le caractère inévitable de tels altercations entre les forces armées des deux parties », conclut le rapport.