La résolution 2249 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, qui prépare la guerre contre la Syrie, vient d’être publiée. Votée vendredi 20, elle était sous embargo jusqu’à ce lundi 23, à 18h30 heure de New York, mais s’avère foncièrement identique au projet rédigé et diffusé en anglais par la France.
Pour mémoire, sur ce sujet de la lutte contre le terrorisme en général et l’État islamique en Irak en au Levant en particulier, la Russie avait présenté un projet de résolution le 30 septembre, qui a été bien accepté par la plupart des membres du Conseil mais bloqué par le Royaume-Uni, soutenu par les États-Unis d’Amérique et la France, au motif que ce projet prévoyait une coordination des efforts de lutte contre l’État islamique : coordination entre intervenants mais également avec les pays où cette lutte est menée, ce qui ne convenait pas aux pays membres de l’Alliance atlantique.
Le projet de résolution russe, légèrement modifié en des termes tendant à ménager les pays ennemis de la Syrie, a été encore présenté dans le nouveau contexte après les attentats de Paris et du Sinaï, mais c’est alors que la France a présenté son propre projet, et la Russie, voulant éviter une compétition des propositions ou une division du Conseil, n’a finalement pas re-présenté son projet, et a voté celui de la France. Elle le regrettera, comme elle a regretté d’avoir laissé passer le 17 mars 2011 la résolution 1973, immédiatement brandie et outrepassée par la France et l’alliance islamo-atlantique pour attaquer la Libye.
La résolution 2249 ne se réfère certes pas explicitement au chapitre VII de la Charte de l’ONU, ce qui laisse certains commentateurs dire qu’elle n’autorise donc pas l’usage de la force. Elle mentionne cependant une menace mondiale à la paix et à la sécurité internationale, ce qui revient au même puisque c’est le sujet du chapitre VII, et appelle les pays qui en ont les moyens à « prendre toutes les mesures nécessaires » pour, entre autres, « éradiquer les sanctuaires » que l’EIIL s’est taillés en Irak et en Syrie, ce qui ne laisse guère de doutes sur le type de moyens à mettre en œuvre. D’ailleurs elle ne condamne ni ne distingue les opérations militaires menées avec les résultats respectifs que l’on connaît de la part d’une soixantaine de pays conduits par les États-Unis depuis quinze mois, en violation de la souveraineté de la Syrie (donc en violation de la charte de l’ONU), et de la Russie depuis deux mois à la demande de la Syrie (donc en accord avec la charte).
Dans sa présentation du projet la France avait insisté pour qualifier les attentats mahométans de Paris d’« acte de guerre », ce qui équivalait à une reconnaissance de l’État islamique en Irak et au Levant comme sujet de droit international. Elle n’a pas totalement obtenu gain de cause puisque cela a été requalifié en « menace contre la paix et la sécurité internationale ». Les États-Unis aussi ont perdu un point puisqu’ils s’étaient opposés récemment à un projet de résolution présenté par la Russie pour, notamment, qualifier le front Al-Nosra d’organisation terroriste, ce que les États-Unis refusaient formellement, et qui figure dans la résolution 2249, laquelle cite nommément le front Al-Nosra au même titre que l’EIIL.
Mais, surtout, la résolution 2249 suspend la souveraineté de la Syrie et de l’Irak, puisqu’elle ne mentionne pas leurs gouvernements ni la nécessité de les associer à ce que l’on entreprendra sur leurs territoires nationaux. Les pays qui en ont les moyens sont encouragés à engager des campagnes militaires « dans les zones contrôlées par l’EIIL en Irak et en Syrie » en ignorant totalement ces deux pays, leurs gouvernements et leurs frontières. Afin que les choses soient bien claires, dans son discours d’explication des raisons pour lesquelles les États-Unis votaient en faveur de cette résolution, l’ambassadrice états-unienne Michele Sison mentionne avec insistance l’urgence de procéder à un changement de régime en Syrie.
Voilà ce qui se cache réellement derrière la résolution 2249 du Conseil de sécurité de l’ONU : sous le prétexte de quelques attentats terroristes, c’est la reconnaissance de l’État islamique en Irak et au Levant comme acteur international, l’intensification de la guerre contre la Syrie, l’enregistrement de sa perte de contrôle d’une partie de son territoire, et la suspension de sa souveraineté sur l’ensemble de celui-ci.