La politique peut-elle encore séduire ? C’est à cette question que devait répondre la conférence/débat organisée par le théâtre de la Croix-Rousse à Lyon le 6 mars 2015. Tête d’affiche : Roselyne Bachelot, qu’on ne présente plus.
Autres intervenants : Thomas Legrand, éditorialiste chez France Inter et essayiste politique, pourfendeurs de fachos devant l’éternel. Christian Delporte, historien politique et culturel et enfin, la pimpante Marie de Gandt, blonde de gauche qui vend sa plume à droite (Sarkozy, Bertrand, Morin et parfois même à de grands PDG). Le tout animé par une journaliste du Monde, devant un public nombreux relativement homogène de quinquagénaires et d’étudiants en sciences politiques.
Politique et séduction, donc. Rapidement, la question dérive. Les politiques peuvent-ils tout court ? Comment convaincre sans idéologie ni convictions ? Voici en substance ce que les intervenants avaient à répondre :
Bachelot : Le message politique est victime de l’hyper-communication, qui ne met jamais en avant les efforts des gouvernants et se concentre essentiellement sur le négatif. En outre, la vie politique doit être désacralisée, et le suffrage universel supprimé (Thomas Legrand la rejoint de façon enthousiaste sur ce point).
Legrand : On ne peut pas séduire si on est impuissant, avec l’ouverture des frontières et la monnaie unique, nos élus ont les mains liées. Mais l’Europe reste un grand progrès qui ne doit pas être remis en cause.
De Gandt : Les politiques doivent accepter que leur impact ne peut être que modeste, ils doivent donc cesser de faire de grandes promesses s’ils veulent convaincre au lieu de séduire. En outre, les politiques sont peu cultivés, de bons décideurs mais incapables de penser le monde. Elle rappelle également qu’elle est de gauche et fondamentalement opposée à l’idée de nation. Pour elle, il n’y a pas de hiérarchie au sein de la société, pas de pyramide dont la base serait le peuple. Le pouvoir est aux mains de tous, les relations sont horizontales notamment grâce à internet.
Suite à ces quelques exposés consensuels, les trois intervenants se lancent dans la critique du Front national. La conférence sera en réalité l’occasion de parler de la menace de l’extrême droite et du populisme, plutôt que de répondre au sujet de la conférence, pourtant pertinent. Trois quarts d’heure pour réaliser que dans leur esprit, les mensonges répétés de l’UMPS c’est pas bien méchant, c’est de la séduction. Alors que les promesses du FN c’est mal, c’est la ruse, le mensonge, le populisme quoi.
Le public est conquis.
Arrivent les questions.
Nous pouvons prendre le micro facilement grâce une organisation efficace. Une camarade se lance, en deux temps :
« Puisqu’on est dans les techniques séductrices, ne pourrait-on pas ajouter à la liste le booty shake, et demander à Madame Bachelot de nous faire une démonstration, elle qui participe activement à la désacralisation de la politique ? Vous regrettez l’absence de socle idéologique dans notre société, pourtant il en est un : le capitalisme, idéologie quasiment totalitaire. Vous souhaitez quitter la séduction pour faire appel à la raison. C’est impossible car alors certaines conclusions seraient inévitables, notamment au sujet du féminisme qui se révélerait alors en tant que piège visant à nous détourner des vraies inégalités et à étouffer la lutte des classes. Ainsi, sortir de la séduction serait dangereux car alors le peuple prendrait conscience que le pouvoir n’appartient plus aux politiques, mais à ceux qui les financent. La séduction n’est pas un outil pour acquérir ou conserver le pouvoir. La séduction est précisément ce pourquoi les politiques sont payés ! »
Réponse de Roselyne Bachelot :
« Je veux être claire, je ne suis plus une femme politique, j’ai accepté de venir pour témoigner d’une expérience passée, je fais un autre métier maintenant. Je n’ai pas de comptes à rendre, je fais ce que je veux, c’est mon identité (…) et si ça vous gêne, je vous emmerde ! »
Un deuxième camarade prend le micro :
« Je voudrais rebondir sur votre réponse. S’il est vrai que vous n’êtes plus dans la vie politique, pouvez-vous tout de même comprendre qu’il puisse être douloureux pour le prolo assis devant sa télé de vous voir faire la mariolle sur D8 après avoir claqué 400 millions d’euros – peut-être un renvoi d’ascenseur à vos anciens employeurs de l’industrie pharmaceutique – en vaccins inutiles ? En outre, vous avez affirmé à la télévision qu’il existait des conseillers occultes à l’Élysée, pouvez vous nous en dire plus ? »
Bachelot :
« C’est une injure personnelle absolument outrageante, (…) je n’ai pas donné d’argent à l’industrie pharmaceutique comme vous semblez le supposer. C’est une accusation absolument ignoble ! J’ai en effet été employée dans l’industrie pharmaceutique comme salariée, il y a 40 ans, c’est pas pour ça que je suis à la solde de l’industrie pharmaceutique. C’est comme si vous disiez que les employés de McDonald’s étaient à la solde des farmers américains. C’est absolument absurde, et ce que vous venez de dire relève de l’injure monsieur, c’est absolument inacceptable (…) Vous êtes vraiment un salopard. Odieux, odieux… (…) Quant aux conseillers occultes je ne vois pas ce que voulez dire… »
Voilà donc notre tâche accomplie. Nous récoltons mensonges, injures et langue de bois. On est bien loin de la séduction…