"Ni de droite ni de gauche", des milliers de manifestants venus défendre "les Italiens qui ne tiennent même pas jusqu‘à la troisième semaine du mois", ont réclamé mercredi à Rome la fin de l’austérité et le départ du gouvernement de coalition d’Enrico Letta.
"Nous sommes venus en bus, pacifiquement, sans drapeaux politiques, l’unique que nous portons, c’est celui-ci", confie à l’AFP Massimo Colombani, 51 ans, drapeau italien sur les épaules. Il fait partie des "forconi" (fourches), mouvement hétéroclite regroupant commerçants, artisans, agriculteurs, travailleurs précaires ou étudiants.
Se disant "ni de droite, ni de gauche, ni des extrêmes", Massimo explique être venu de Viareggio (centre) pour soutenir les "sans emplois, les petits entrepreneurs, les jeunes sur-diplômés qui ne trouvent pas de travail ou sont contraints de travailler au noir parce qu’il n’y a rien d’autre".
"Ce gouvernement ne fait rien pour aider les PME qui sont pourtant le moteur de notre pays", explique à l’AFP un autre manifestant, qui confie anonymement avoir voté pour le mouvement Cinq Etoiles de l’ex-comique Beppe Grillo.
Pour cet entrepreneur de 41 ans, qui va devoir fermer son activité, une "fiscalité trop importante" et l’"inefficacité de l’Etat" sont les deux maux de l’Italie.
Son ami Adriano Sola, qui travaille dans le magasin de literie de ses parents à Caserte (sud), renchérit, exaspéré : "les gens n’arrivent même plus à la troisième semaine du mois ; quand on voit que certaines personnes – que nous n’avons même pas élues – gagnent 20 000 - 30 000 euros…".
Un peu plus tard, des militants du mouvement d’extrême droite Casa Pound descendent par la colline du Pincio pour rejoindre la manifestation, aux cris de "la lutte est dure mais nous n’avons pas peur".
La Place du peuple, où le rassemblement est organisé, est complètement bouclée, les camions de police fermant notamment les rues commerçantes du Babuino et du Corso.
Les autorités, redoutant des dérapages, ont mobilisé 2 000 membres des forces de l’ordre. Mais la participation s’avère plus bien plus faible que les 15 000 personnes attendues.
Cornes de brumes, fumigènes… Des sifflets sont distribués aux participants pour faire le maximum de bruit. De temps en temps, l’hymne italien est chanté à tue-tête, le poing brandi.
Alors que des militants crient "journalistes, terroristes !", une caméra de la Sette, une télévision privée, est endommagée, constate une journaliste de l’AFP.
Un homme politique s’avance. Un cercle se forme rapidement autour de lui, et des hommes menaçants, levant la main, lui crient : "Rentrez chez vous", "allez bosser", "vous n‘êtes que des politiciens de merde".
En marge de la visite d’un hôpital, le cardinal de Gênes – où le mouvement des "forconi" est très implanté – Angelo Bagnasco, président de la conférence des évêques, a estimé qu’il fallait "écouter le cri du douleur venu de la rue".
Le mouvement, qui réclame à la fois la démission collective du gouvernement, la baisse de la fiscalité et plus de souveraineté nationale, a entamé depuis une dizaine de jours une mobilisation qui a été plus forte au nord du pays et a été marquée par des incidents, en particulier à Turin.
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