Pendant la campagne présidentielle, le candidat du PS s’était fait, le temps d’un discours, « l’ennemi de la finance », avant d’aller piteusement rassurer les marchés à Londres… Cela présageait d’une réforme bancaire a minima, ce que confirme le projet présenté en conseil des ministres.
Beaucoup de bruit pour rien
Bien sûr, Pierre Moscovici a beau jeu de dire que son projet serait critiqué par les banques comme la gauche de la gauche, pour indiquer qu’il serait équilibré. Mais dans la réalité, autant on trouve de très nombreuses critiques du manque de radicalité de son projet, y compris de la part de personnes modérées comme Olivier Berruyer, autant le projet gouvernemental ne semble guère déranger un lobby bancaire qui ne s’émeut guère des mesurettes concoctées par Bercy.
Reprenant une proposition britannique, le projet gouvernemental propose donc de séparer les activités de dépôt et d’affaires des banques dans des filiales différentes. Mais cette mesure est totalement illusoire. Tout d’abord, elle est déjà en partie en place, certaines banques ayant déjà créé des entités différentes pour faciliter leur gestion. En outre, cela ne change rien pour le risque global : l’une peut couler l’autre. Il faut revenir au Glass-Steagall Act et à la stricte séparation des banques des années 1990. Nous n’étions pas en Albanie à cette époque, comme le soutient Olivier Berruyer.
Bien sûr, Moscovici explique qu’il va interdire certaines pratiques spéculatives mais cela est illusoire car il va seulement l’interdire sur le sol français et la libre-circulation des capitaux leur permettra de le faire ailleurs, sans doute un parasite fiscal… L’auteur du très recommandable blog Les crises souligne que le projet français est encore plus laxiste que les projets britannique et étasunien, un nouveau signe de capitulation de François Hollande devant la mondialisation néolibérale.
Roosevelt, ce n’est pas maintenant !
Le plus incroyable est que la crise aurait du provoquer une prise de conscience de la part de nos dirigeants sur la nécessité de mieux réguler la finance. En outre, les leçons des années 1930 et des mesures prises suite à la Grande Dépression aurait du pousser à des mesures beaucoup plus radicales. Mais non, même les gouvernements dits de gauche se laissent totalement berner par des banques qui vont pouvoir continuer leurs activités de casino où pile elles gagnent, et face, les États perdent.
Comme NDA l’avait soutenu dans la campagne présidentielle, un nouveau Glass-Steagall Act (instaurant une séparation entre les banques de dépôt et d’affaires) est nécessaire. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut aller plus loin. Si les banques sont « trop grosses pour faire faillite », alors, c’est qu’elles sont trop grosses et qu’il faut les découper en morceaux pour éviter qu’elles ne bénéficient d’un aléa moral scandaleux où elles savent que quoiqu’elles fassent, elles seront secourues par l’Etat.
Pour aller encore plus loin, on peut penser à la réforme du 100% monnaie, qui propose de découper les banques en trois (dépôt, prêt, investissement) et qui remet dans la main de l’Etat le contrôle de la création monétaire, point absolument fondamental tant il semble évident qu’il n’est pas normal que ce soit les banques privées qui en soient chargées. Une multitude d’autres réformes doivent aussi être envisagées, comme je l’avais résumé dans un papier rassemblant 18 propositions.
Bref, la réforme bancaire Moscovici-Hollande n’est qu’un Canada Dry qui ne change quasiment rien aux immenses déséquilibres de notre système financier et perpétue les avantages incroyables aujourd’hui détenus par les grandes banques. Ici encore, le changement, ce n’est pas maintenant.