La cérémonie a eu lieu lundi 26 janvier, au Consulat de France, à San Francisco, venant ajouter une nouvelle distinction à celles, déjà nombreuses, dont peut se prévaloir Judith Butler.
Nommée en juillet 2013, la philosophe américaine, dont le travail sur le « genre » terrifie les opposant.e.s à l’égalité des droits [...], a reçu la médaille de chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres des mains de Pauline Carmona, consule générale de France à San Francisco.
« Je me demande quelle est la meilleure manière de me faire à l’idée d’être faite Chevalier, ou d’être Chevalier. Mes ami.e.s ont laissé entendre que je pourrai devenir un Chevalier du genre ! », a commenté Judith Butler en français sous les rires de l’assistance.
« Si l’insigne qui m’est décerné aujourd’hui décore une personne, j’estime qu’il récompense avant tout mon travail. [...] Une idée théorique n’émerge pas de l’intérieur, on la découvre dans son paysage, elle fait déjà partie du monde. [...]
Malgré les meilleurs et les pires moments, mon nom est associé à un certain trouble provoqué par les études de genre, en France du moins, il m’est donc agréable de voir que mes hôtes ce soir ne se préoccupent pas outre mesure de ce trouble. Ou peut-être cherchent-ils à souligner le mérite dans un certain type de trouble. [...]
En France, on parle de la “théorie du genre” comme si c’était une théorie unique, ajoute la philosophe en anglais. Parfois définie comme une importation américaine, comme si McDonald’s faisait une apparition théorique. Parfois présentée comme une fantastique et dangereuse tentative de renier la différence sexuelle ou de semer le chaos dans les institutions de la famille, du mariage et de la Nation. D’une certaine façon, elle est perçue comme une menace envers un mode de vie, mais de mon point de vue, les études de genre sont un moyen d’ouvrir l’accès à d’autres modes de vie plus vivables. Alors comment en est-on arrivé à ce fantasme ? J’ai l’impression que cette peur du “gender” comme l’incompréhension de ses nombreuses théories n’existeraient pas s’il n’y avait pas une peur concernant le statut naturel des hommes et des femmes, s’il n’y avait pas de remise en cause de la présomption de l’hétérosexualité du mariage comme loi naturelle ou culturelle. »