Cet article du journal australien The Age est en fait une reprise d’un texte du New York Times avec simplement un titre différent.
Si le titre du New York Times affirme que les États Unis cherchent l’aide de la Turquie dans la lutte contre l’État Islamique (EI) ou État Islamique en Irak et au Levant (EIIL), le titre de The Age affirme catégoriquement que la Turquie a opposé une fin de non recevoir à une demande très importante des États Unis. Ces derniers ont en effet demandé aux autorités d’Ankara de faire cesser la contrebande d’hydrocarbures en provenance d’Irak et de Syrie et ainsi tarir l’essentiel des revenus financiers de l’EIIL.
La Turquie a refusé pour plusieurs raisons dont certaines ont été présentées dans le post qui précède celui-ci : pour faire court, le gouvernement turc compte sur les milices de l’EI pour établir en Syrie et en Irak un ordre politique que le gouvernement présidé par Recep Tayyip Erdogan jugerait plus conforme aux intérêts de son pays.
Si 49 membres du corps consulaire sont en effet détenus par l’EIIL, il ne semble pas que leur vie soit en danger ni que leur sort ait pour l’instant une quelconque influence sur la politique turque dans la région.
La Turquie craint qu’une défaite de l’EIIL soit suivi d’un reflux sur son territoire de nombre de miliciens « djihadistes ». C’est en effet de Turquie que nombre d’entre eux sont venus et l’EIIL a de plus multiplié ses implantations en Turquie même, non seulement dans les zones frontalières mais jusque dans la métropole qu’est Istanbul et recrute des citoyens turcs par centaines.
Oserais-je dire que les lendemains risquent de déchanter pour Ankara, que les djihadistes perdent ou gagnent ?
Et pour finir, n’oublions pas l’esprit mercantile de Recep Tayyip Erdogan et de sa base politique : les régions méridionales de la Turquie proches de la Syrie et de l’Irak ont été durement touchées économiquement par les troubles dans les pays voisins. Leur assurer de l’essence à bon marché, fut-elle de contrebande, faire vivre un négoce lucratif est donc un moyen de solidariser avec le gouvernement les couches de la population qui profitent de ce trafic.
Autant de bonnes raisons pour éviter d’entrer en conflit avec l’EIIL. Les opposants syriens « modérés » selon Laurent Fabius et David Cameron sont arrivés à la même conclusion que le gouvernement turc et font entente avec l’État Islamique.
Observons pour conclure que l’armée américaine s’est pour l’instant gardée de s’attaquer aux camions qui acheminent en Turquie le pétrole exporté par l’EIIL.
La Turquie ne bloque pas les revenus pétrolier de l’État Islamique malgré la pression des États Unis
David E. Sanger et Julie Hirschfeld Davis, The Age (Australie) 14 septembre 2014 traduit de l’anglais par Djazaïri
Washington : L’administration Obama s’efforce de bloquer les millions de dollars de revenus pétroliers qui ont fait de l’État Islamique une des organisations terroristes les plus riches de l’histoire, mais elle a pour l’instant été incapable de persuader la Turquie, le pays allié membre de l’OTAN où la plus grande partie du pétrole est écoulée sur le marché noir, de s’attaquer à un vaste réseau de vente.
Les officiels du renseignement occidental disent pouvoir suivre les cargaisons de pétrole de l’État Islamique quand elles sont transportées d’Irak vers les régions frontalières du sud de la Turquie.
En dépit de longues discussions internes au Pentagone, les forces américaines n’ont jusqu’à présent pas attaqué les camions citernes.
Cependant, a déclaré vendredi un haut responsable de l’administration Obama, « cela reste une option. »
Les difficultés pour un élargissement de l’action contre l’État Islamique sous la direction des États Unis ont été évidentes dans les discussions qu’a eues le Secrétaire d’État US John Kerry avec le président égyptien Fattah al-Sisi qui a exhorté la coalition militaire à cibler d’autres organisations plutôt que l’État Islamique.
L’absence de volonté de la Turquie de contribuer à enrayer le commerce pétrolier symbolise l’ampleur des défis auxquels est confrontée la Maison Blanche pour assembler une coalition pour contrer l’organisation militante sunnite et pour lui couper les vivre.
L’accès de l’État Islamique à l’argent est essentiel pour lui permettre de recruter des membres, de faire face à la masse salariale de plus en plus importante de ses combattants, d’étendre son rayon d’action et opérer à travers le territoire de deux pays.
« Sous beaucoup d’aspects, la Turquie est une carte maîtresse dans l’équation de cette coalition » explique Juan Zarate, conseiller principal au Centre for Strategic and International Studies.
« C’est une grande déception : Il existe un vrai danger que la démarche pour affaiblir et détruire l’EIIL soit fragilisée » explique M. Zarate parlant de l’État Islamique. « On a un important allié dans l’OTAN et on ne sait pas si il a la volonté et la capacité de couper le flux d’argent, de combattants et de soutien vers l’EIIL. »
Jeudi, la Turquie a refusé de signer un communiqué en Arabie Saoudite portant engagement des États du Golfe persique de la région [c.à.d. sauf l’Iran, NdT] à contrer à l’État Islamique, même dans les limites que chaque nation considérera « appropriées ».
Les responsables turcs ont dit à leurs homologies américains qu’avec 49 diplomates turcs retenus en otages en Irak, ils ne pouvaient pas courir le risque de prendre position publiquement contre l’organisation terroriste.
Pourtant, les officiels de l’administration américaine disent croire que la Turquie pourrait considérablement perturber les entrées d’argent vers l’État Islamique si elle essayait de le faire.
« Comme n’importe quelle sorte d’activité de contrebande et de marché noir, si vous y mettez les moyens et fautes l’effort de l’attaquer, vous ne l’éradiquerez sans doute pas, mais vous pouvez l’entamer fortement » a déclaré samedi un haut responsable de l’administration.
Au centre des discussions, on trouve les dizaines de champs pétroliers et de raffineries en terrritoire irakien et syrien passés sous le contrôle de l’organisation. L’extraction a généré un flus financier régulier que les experts situent entre 1 et 2 millions de dollars par jour ; un montant dérisoire au regard du marché pétrolier mondial mais une formidable aubaine pour une organisation terroriste.
Mettant en relief la complexité de la mission de M. Kerry en vue d’obtenir du soutien au Moyen Orient, le président égyptien avait dit auparavant au Secrétaire d’État en visite qu’une coalition internationale contre le terrorisme ne devait pas seulement se concentrer sur les militants de l’État Islamique, mais aussi sur Ansar Bayt al-Maqdis et l’ennemi du régime égyptien, les Frères Musulmans.
Les responsables sécuritaires égyptiens ont affirmé que l’État Islamique avait établi des contacts avec Ansar Bayt al-Maqdis, l’organisation militante la plus dangereuse du pays qui a tué des centaines de membres des forces de sécurité depuis que l’armée a renversé le président islamiste Mohamed Morsi l’an dernier après des manifestations massives contre lui.