Côté pile, il y a les petites fraudes quotidiennes. Abonnements à des revues, bouteilles de champagne, GPS, factures de restaurants injustifiées, "frais de réception" douteux. Côté face, plusieurs millions d’euros de dépenses injustifiées, des commandes de fournitures ou de mobilier à des tarifs exorbitants, des investissements immobiliers douteux dans les centres de vacances fréquentés par une minorité de privilégiés.
La cour des comptes s’apprête à transmettre au ministre de la Justice, en vue d’une action pénale, un rapport accablant mettant en cause la gestion du comité d’entreprise (CE) de la RATP entre 2004 et 2010 par plusieurs syndicats, CGT, Unsa et CFDT en tête.
Un budget de 82 millions hors de contrôle
Le document de 224 pages, que Metro a pu consulter, décortique les aberrations multiples dans le fonctionnement de cette grande machine de 600 agents, qui tourne avec un budget de 82 millions d’euros (dont 53 millions de subventions de la RATP) et détient 72 millions d’actifs sans aucun contrôle financier extérieur. La liste est longue. On apprend ainsi que le CE, qui gère la restauration des agents de la RATP, a laissé détruire pour des motifs obscurs un quart des denrées alimentaires fournies avant même la date de péremption, soit plus de 286.000 euros de gâchis.
Le CE, qui gère également des centres de vacances, est soupçonné de conflit d’intérêt dans la gestion d’un camping, a acheté de façon irrégulière pour 840.000 euros de mobile home et a versé 1 million d’euros en cinq ans à une seule société basée à Romainville (Seine-Saint-Denis) pour lui fournir du mobilier.
7 millions pour un hôtel abandonné
On apprend aussi que le CE a déboursé près de 7 millions d’euros pour acquérir et rénover un hôtel dans les Hautes-Alpes, le Chanteneige… qui fait maintenant l’objet d’une fermeture administrative pour raisons de sécurité. Dernier exemple : la somptueuse fête annuelle du comité d’entreprise, organisée au château de la CGT, un édifice du XVIIe basé à Fontenay-lès-Briis, dans l’Essonne, est généreusement créditée à hauteur de 447.000 euros par an.
La direction épinglée
La direction de la RATP a réagi mardi en indiquant n’avoir "aucun pouvoir d’ingérence" dans les comptes du CE. "La RATP ne dispose d’aucun instrument légal pour exercer un éventuel contrôle a priori", a précisé la régie. Pourtant, la cour des comptes accuse clairement la direction de ne pas avoir exercé son "pouvoir de contrôle" alors qu’elle a accordé, sans demander de comptes, des avances de trésorerie de 4 millions d’euros en 2008, 2009 et 2010.
"La direction était parfaitement au courant, estime Olivier Cots, de SUD-RATP, syndicat qui a porté plainte dès novembre 2010. Elle a épongé plusieurs fois le déficit chronique du CE." Une longue procédure judiciaire s’annonce. Elle ne devrait pas laisser l’entreprise indemne.