Le centenaire de la Première Guerre mondiale approche à grand pas et déjà les rumeurs les plus inquiétantes circulent notamment dans les milieux de la culture. Historiens et archivistes s’inquiètent déjà des bruits persistants qui évoquent le fait que la France va bâcler le centenaire de 14-18 pour des raisons politiques. Le fait qu’un gouvernement socialiste soit aux commandes semble ne pas arranger les choses d’un événement mémoriel dont la mort est déjà annoncée.
L’affaire a démarré ces dernières semaines par les remarques dans les coulisses de personnalités parmi les historiens et les chercheurs alors que nous entrons dans l’année 2013. Dans moins de deux ans commenceront les cérémonies du centenaire d’une guerre qui a marqué la France, peut-être plus qu’aucune autre nation, puisqu’elle eut à souffrir à la fois dans la chair de ses hommes, mais aussi par le fait que le conflit se déroula sur le front de l’Ouest sur son territoire, sans oublier la Belgique. Cette guerre par sa nature inhumaine, la première guerre industrielle totale, a non seulement marqué la France, mais elle la passionne. La mort des derniers poilus fut l’occasion de cérémonies émouvantes et les publications se sont multipliées ces dernières années.
En ces périodes de fête vous avez pu remarquer comment les librairies et autres rayonnages de grandes surfaces proposent immanquablement de magnifiques livres illustrés cette guerre. La Première Guerre mondiale, dénommée en France « Grande Guerre » est l’un des sujets historiques préférés des Français. Et pour cause ! Contrairement à celle de 39-45, cette guerre fut une « victoire » même si nous savons aujourd’hui à l’instar des remarques du maréchal Foch qui parlait d’un armistice de 20 années, que cette victoire fut payée chèrement, un prix exorbitant, et que la paix qui lui succéda fut sans doute l’une des plus mal pensée de toute l’histoire de l’humanité. Elle a marqué les Français également par le fait que les survivants se sont répandus dans les campagnes et les villes, ils ont raconté, ils ont écrit, ils ont ramené des souvenirs, quelques menus objets, de l’artisanat de tranchée etc.
Cette guerre et cela n’a pas été assez souligné, fut aussi la première guerre à être véritablement suivie par la photographie et le cinéma. Ce fut une guerre de l’image, tant par les affiches, que les clichés, les journaux et surtout les cartes postales. Elles font l’objet aujourd’hui, ainsi que les cartes photos ou les photographies, de collections onéreuses et très intéressantes, elles montrent surtout comment cette guerre fut l’objet d’une guerre des propagandes, un intense battage médiatique. Dans les familles françaises, dont la mienne, il n’est pas rare de trouver plus de vétérans de 14-18 que de 39-45. C’est pourquoi les traditions orales se sont souvent tournées plus vers la première que la seconde. Certes la Seconde Guerre mondiale a marqué, mais considérablement moins la conscience nationale et l’ensemble du pays.
Elle reste toutefois une guerre amère, même s’il y eut « victoire » : en témoignent les milliers de monuments aux morts et de stèles dans les églises et les cathédrales, mais aussi justement les mémoires, les livres et les témoignages. Aujourd’hui elle est décrite avec raison comme une guerre civile européenne, « le suicide de l’Europe », la fin des monarchies et comme une infâme et horrible boucherie où des millions d’hommes furent immolés. L’horreur racontée par Dorgelès ou Barbusse, mais aussi par le cinéma notamment ces dernières années à propos des fraternisations entre les combattants ou des films à grand public comme Un long dimanche de fiançailles montrent comment l’historiographie a évolué, comment les propagandes nationalistes sont retombées et comment l’histoire a été retravaillée.
Mais aujourd’hui c’est pour des raisons politiciennes et internationales que l’État français s’apprêterait à tronquer les cérémonies du centenaire de 14-18. Les premiers éléments indiquent que sous les pressions de franges politiques de gauche, mais aussi sous les pressions européennes et de l’Allemagne, la France au garde à vous collera sous un tapis les commémorations autant que faire se pourra. C’est déjà malheureusement le cas des cérémonies des différents bicentenaires de l’épopée napoléonienne, victime des lobbies en particulier de gauche et de diverses pressions qui a vu une France renier l’Empereur, ne pas participer aux cérémonies en 2005 et 2012 ni d’Austerlitz la géniale victoire de Napoléon, ni de La Moskova. Et cela sera certainement le cas de 2013, 2014 et 2015 pour les campagnes de Saxe, de France et de Belgique.
La réécriture et la manipulation de l’histoire par les politiciens fait rage en France, terrain d’une guerre souterraine où les médias jouent un important rôle, il s’agit en effet de gommer l’histoire nationale et ses gloires pour faire place à une atomisation historienne, une dissolution des événements historiques dans un tout, un creuset européen où il est question de casser les reins à toute forme de patriotisme, pour faire place à une société lessivée par de nouveaux standards où l’histoire doit se trouver comme dans les grandes années de la IIIème République une auxiliaire sans cesse malmenée et violée, mais confortablement organisée pour servir une idéologie dominante et lénifiante.
Pour toutes ses raisons, nous avons déjà assisté à des coups médiatiques que chaque président du passé s’est efforcé d’exploiter à fond, ce fut le bicentenaire de 1789 sous Mitterrand, les médailles pour les anciens des brigades internationales et les repentances de Chirac, la lettre de Guy Moquet pour Sarkozy et déjà en moins de six mois de nouvelles repentances au sujet de la Shoah et de l’Algérie pour Hollande. Toutes ses « cérémonies » médiatisées à outrance furent l’objet d’oublis mémoriels consentis et plus ou moins camouflés, à savoir les horreurs de la Révolution française, la guillotine et la guerre civile, la lâcheté des gouvernements français entre 1936 et 1938, la collaboration des communistes français avec les nazis jusqu’en 1941, sans parler de l’épineux problème de la Guerre d’Algérie : la guerre des mensonges et des cadavres que les deux camps se lancent à la figure !
S’il s’avère normal de revisiter l’histoire de la Première Guerre mondiale pour en offrir un tableau plus véritable et plus conforme à l’honnêteté intellectuelle, il est moins normal de transformer en silence un événement tel que ce centenaire qui revêtait une importance aussi grande que le bicentenaire de 1789 et qui suivra probablement ce dernier dans les impasses. Celles-ci sont dictées par le politiquement correct de toute une caste politicienne et nous assisterons donc probablement à une nouvelle mascarade qui sera concentrée sur le début de la guerre. Les cérémonies se dérouleront donc surtout en août 2014, pour ensuite verrouiller politiquement l’événement à des fins pendables. Les Français dans ces temps de crise auront sans doute autre chose à penser de toute façon. Quant à l’Europe elle se serait bien passée de ces dates historiques, l’Allemagne en particulier mais Paris est déjà prêt à l’escamotage final selon une formule bien rôdée.