Au cours du premier trimestre de cette année, et à la faveur d’une offensive des indépendantistes touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le Nord-Mali est passé sous le contrôle de trois organisations jihadistes, à savoir al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et Ansar Dine.
Suite à cela, Bamako a été en proie à de l’instabilité politique, due à un coup d’Etat militaire qui, mené par le capitaine Sanogo, a renversé le président sortant, Amadou Toumani Touré (ATT), lequel ne devait pourtant pas se représenter aux élections prévues au printemps. Depuis, et sous la pression de la communauté internationale, et des organisations panafricaines en particulier, un semblant d’ordre constitutionnel a été rétabli, avec la désignation de Dioncounda Traoré pour occuper les fonctions de président par intérim.
Dans le même temps, l’idée d’une intervention armée menée sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour déloger les islamistes dans le nord du Mali a fait son chemin. Un concept d’opérations a ainsi été validé en novembre dernier et il sera très prochainement soumis au Conseil de sécurité des Nations unies, lequel devra donner, ou non, son feu vert à cette opération, dont l’objet vise surtout à apporter un soutien militaire à l’armée malienne, avec l’envoi, pour un an, d’une force militaire panafricaine de 3 300 soldats soutenue sur le plan logistique par des pays occidentaux.
Seulement, le principe de cette intervention est loin de faire consensus. Certains pays veulent privilégier la négociation avec les mouvements touaregs, comme le MNLA et Ansar Dine. C’est notamment le cas du Burkina Faso, de l’Algérie du Maroc et de la Mauritanie. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, n’est pas non plus vraiment chaud pour cette opération, qu’il souhaite uniquement en dernier recours.
D’autres veulent prendre le temps nécessaire avant de lancer toute initiative militaire. Telle est la position affichée par les États-Unis. Le général Carter Ham, le chef du commandement américain pour l’Afrique (US AFRICOM) a déclaré, lors d’un discours prononcé au Homeland Security Policy Institute de l’université George Washington, la semaine passée, que la négociation restait la meilleure solution pour régler le problème au Nord-Mali. « L’intervention militaire peut être une composante nécessaire. Mais si l’on veut une intervention militaire, elle doit être couronnée de succès, elle ne peut être faite prématurément » a-t-il prévenu.
Et puis il y a ceux qui veulent vite aller régler le cas des islamistes établis au Nord-Mali, comme le président ivoirien Alassane Ouattara. « Nous demandons au Conseil de sécurité des Nations unies d’agir rapidement, si possible au mois de décembre. C’est ce que j’ai demandé au président François Hollande, il a dit qu’il ferait tout pour qu’il en soit ainsi », a-t-il affirmé, le 4 décembre dernier, à l’antenne d’Europe1, lors d’un déplacement à Paris.
« Nous ne voulons pas que ces terroristes descendent dans notre pays. (…) Nous ne voulons pas que notre sous-région devienne occupée, encadrée par des terroristes », a-t-il expliqué. « Les pays voisins sont pressés d’intervenir », a encore insisté le président ivoirien. « Nous sommes prêts. Nous avons des armées solides, bien formées, nous sommes en mesure d’intervenir », a-t-il plaidé, même s’il a admis un « besoin de soutiens logistique et matériel ».
C’est dans ce contexte que les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont approuvé, le 10 décembre, à Bruxelles, un « concept de gestion de crise », qui avait été présenté le mois dernier. « La présence de groupes terroristes et l’oppression des populations locales dans le nord du Mali ainsi que les violations des droits de l’homme ne représentent pas seulement une lourde menace pour la région du Sahel, mais aussi pour l’Afrique du Nord et l’Europe », a justifié la baronne Catherine Ashton, la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
« L’expertise militaire européenne peut contribuer de manière significative à cet effort, dans le cadre du soutien plus large que nous apportons à la transition démocratique et de l’aide humanitaire aux populations en détresse », a encore ajouté Mme Ashton.
Concrètement, et dès que la Conseil de sécurité de l’ONU aura voté une résolution autorisant l’opération militaire de la Cédéao et de l’Union africaine, la mission européenne (EUTM Mali – European Union Training Mission) sera lancée à partir du premier trimestre 2013 afin de « rétablir les capacités militaires des forces armées maliennes afin qu’elles soient en mesure de mener des opérations de combat visant à restaurer l’intégrité territoriale du pays ».
Il s’agit de former 4 bataillons de 650 hommes chacun avec le déploiement au Mali de 400 militaires européens, dont 250 instructeurs et 150 autres chargés de leur protection. Cette mission ne sera pas des plus faciles, dans le mesure où l’armée malienne est sujette à des tensions causées par la situation politique du pays, laquelle vient d’être marqué par un nouveau coup d’éclat, avec l’arrestation, puis la démission du Premier ministre malien, Modibo Diarra.
Ce dernier s’était déclaré en faveur d’une intervention d’une force internationale au Nord-Mali, ce qui a compliqué ses rapports avec l’armée malienne, et notamment le capitaine Sanogo, l’instigateur du putsch ayant renversé le président Touré.
« La situation au Mali est très complexe. Il y a depuis un certain temps une espèce de triumvirat à la tête de l’État malien », a expliqué, ce 11 décembre, à l’antenne de RMC, Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense. « Manifestement le processus de réconciliation nationale, qui est indispensable pour que le Mali retrouve sa souveraineté, a quelques difficultés à se mettre à œuvre », a-t-il poursuivi.
Cela étant, le ministre a donné des précisions concernant la mission européenne. Le déploiement des effectifs devrait se faire dès le mois de février prochain. « La France sera nation cadre, c’est elle qui aura le plus grand nombre de militaires, mais ce seront des forces européennes qui formeront » les soldats maliens, a-t-il expliqué.
Une dizaine de pays de l’UE ont donné leur accord pour fournir des instructeurs à l’EUTM Mali, dont l’Allemagne et l’Espagne. Le budget de cette mission sera de 7 millions d’euros, les coûts afférents aux militaires déployés au Mali étant à la charge de leur pays d’origine.
Quoi qu’il en soit, l’intervention militaire contre les groupes jihadistes établis dans le Nord-Mali ne devrait pas avoir lieu dans les délais souhaités par le président Ouattara. Il faudra en effet compter quelques mois pour que les bataillons maliens soient pleinement opérationnels. Ce qui porte le début d’une éventuelle opération à l’automne prochain.
Et l’échec sera interdit, sous peine de déstabiliser davantage le Sahel. Or, la mission militaire de la CEDEAO n’offre, en l’état, pas toutes les garanties d’un succès. Cependant, une éventuelle opération impliquant des troupes fournies par des pays de la CEDEAO et l’armée malienne a de quoi rendre sceptique, et cela d’autant plus qu’il reste à préciser la chaîne de commandement et que le tout formera un ensemble hétéroclite.
« Ce serait une grave erreur de croire que 3 300 soldats de la CEDEAO […] puissent être en mesure de vaincre les rebelles. En fait, tout porte à croire que ceux-ci se contenteraient de fuir dans les pays voisins, dont les frontières sont notoirement perméables. De plus, le combat contre des forces asymétriques comme des guérillas dans les dunes et la chaleur du Sahel, auxquelles les terroristes ont eu largement le temps de s’adapter, serait un enfer pour les forces de la CEDEAO », avait expliqué, en octobre, Abdelkader Abderrahmane, analyste de l’Institute for Security Studies.