En avril 2003, lors d’un déplacement à Minsk (Biélorussie), le ministre russe de la Défense d’alors, Sergueï Ivanov, évoqua l’idée d’un recrutement de ressortissants étrangers par les forces armées de son pays, comme l’avait suggéré quelques mois plus tôt, Boris Nemtov, un parlementaire. Pour ce dernier, il s’agissait de permettre à des volontaires venus de pays de la Communauté des États Indépendants (CEI) à servir la Russie par la voie des armes.
Pour les autorités russes, cette idée paraissait très séduisante dans la mesure où, ayant engagé un processus de professionnalisation des forces armées, elle était de nature à accroître le vivier de volontaires potentiels.
Seulement, les généraux se montrèrent réticents. Pas question pour eux, en effet, de s’appuyer sur des « mercenaires » (il était prévu d’accorder des avantages aux volontaires étrangers, dont la nationalité russe, des aides sociales et des bourses d’étude), ni même de créer une « Légion étrangère » pour les accueillir. En outre, se posait aussi la question de leur loyauté en cas d’intervention russe dans l’une des anciens républiques soviétiques, comme cela fut le cas en Géorgie.
Aussi, en 2007, un article des Novyé Izvestia, relayé par Courrier International, indiquait que seulement 70 volontaires étrangers, venus notamment d’Ouzbékistan, du Tadjikistan et d’Ukraine, avaient intégré les rangs des forces russes un an plus tôt, en échange de la promesse d’obtenir la citoyenneté russe au bout de 3 ans de service. Pas de quoi, donc, créer une légion étrangère.
Un an plus tard, le général Vassili Smirnov, alors en charge du recrutement à l’État-major général des forces armées, indiqua à Ria Novosti, que 295 ressortissants d’ex-républiques soviétiques servaient dans les rangs de l’armée russe, les plus nombreux étant les Tadjiks (89) et les Ukrainiens (40). Difficile de parler d’un succès…
Depuis, l’on n’avait plus vraiment entendu parler de cette idée de créer une légion étrangère russe… Jusqu’au printemps dernier, avec l’affaire de la Crimée et les tensions en Ukraine. En avril, la Fédération des migrants de Russie a remis cette idée sur le tapis.
« Les migrants vivant et travaillant en Russie, dont les ressortissants des ex-républiques soviétiques, ne désirent pas rester les bras croisés au moment où les pays occidentaux font injustement pression sur la Russie et toute la communauté internationale. À cet effet, la Fédération des migrants de Russie demande officiellement aux autorités russes de permettre aux migrants de différentes nationalités se trouvant sur le territoire de la Russie, de servir dans les forces armées de la Fédération de Russie, ainsi que de pouvoir défendre les intérêts russes », avait-elle fait valoir dans un communiqué.
Et cette idée a été partiellement reprise le 10 novembre par le parti Libéral-démocrate, emmené par le nationaliste Vladimir Jirinovski (11,67 % aux élections de 2011). Ainsi, d’après le quotidien Izvestia, ce mouvement politique a proposé au ministère russe de la Défense ainsi qu’à l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) la création d’une « légion étrangère russe », laquelle serait susceptible de devenir un « garant de la stabilité en Asie centrale, notamment face à une éventuelle agression de l’État islamique’ et de venir en aide » dans l’est de l’Ukraine (région désignée par l’expression « Nouvelle Russie »).
« Les Ouzbeks et les Tadjiks seraient ravis d’entrer dans les rangs de la légion, cela ne pose aucun problème. Tous les commandants et instructeurs seraient des officiers d’encadrement russes » a expliqué Roman Khoudiakov, un député libéral-démocrate.
Mais, là encore, les généraux russes risquent de ne pas trouver cette initiative à leur goût. Ex-responsable de la direction des accords internationaux auprès du ministère russe de la Défense, le général Evgueni Boujinski, rapporte Ria Novosti, avait déjà affirmé « voir aucune utilité à engager des étrangers dans l’armée russe » étant donné que cette dernière « travaillait activement pour augmenter le nombre de ses contractuels ».