Egalité et Réconciliation
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L’électricité sera de plus en plus chère

L’ouverture du marché de l’énergie, le 1er juillet 2007, n’a guère bénéficié aux particuliers, qui sont finalement restés fidèles à leurs fournisseurs "historiques", Gaz de France (devenu GDF Suez) et surtout EDF. Le groupe public d’électricité détient encore 95 % du marché des particuliers dans l’Hexagone. Sans doute faut-il y voir le résultat d’une concurrence entravée par l’importance de ces deux poids lourds. Mais cela révèle plus sûrement une tendance de fond : l’énergie sera de plus en plus chère.

Le projet de loi sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME), qui doit être examiné le 8 juin à l’Assemblée nationale, est destiné à favoriser la libéralisation du secteur. Le gouvernement affirme que sa réforme – imposée par la Commission européenne au nom de la concurrence – n’aura aucune incidence sur les tarifs réglementés, qui resteront de la responsabilité de l’Etat. Les tensions apparues mercredi 12 mai sur le projet entre EDF et la Commission de régulation de l’énergie (CRE), le "gendarme" du secteur, montrent pourtant que cette nouvelle organisation peut avoir des conséquences sur la facture des clients d’EDF et de ses concurrents.

La mesure phare du texte prévoit qu’EDF devra vendre jusqu’à 25 % de sa production nucléaire jusqu’en 2025 – et à un prix compétitif – aux autres fournisseurs sur le marché français (GDF Suez, Poweo, Direct Energie, E.ON, Enel...) afin qu’ils puissent faire des offres capables de soutenir la concurrence de l’opérateur historique. Mais à quel prix ? La réponse à cette question est capitale. Elle a été au centre des interventions qu’Henri Proglio, PDG d’EDF, et Philippe de Ladoucette, président de la CRE, ont faites, mercredi, devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

M. Proglio aimerait obtenir 45 euros par mégawattheure (MWh). Le prix, a-t-il dit, ne peut pas être inférieur à 42 euros, car il permet de couvrir les coûts (exploitation, maintenance, modernisation et démantèlement des réacteurs nucléaires, recyclage des combustibles, rémunération du capital). EDF doit trouver 35 milliards d’euros d’ici à 2030 pour prolonger de dix ans la durée d’exploitation de ses 58 réacteurs.

La CRE, qui doit veiller à ce que les nouveaux entrants ne soient pas pénalisés, juge ce prix trop élevé et défend un tarif plus proche de 37 euros. Si le prix est fixé à 42 euros, estime-t-elle dans un document interne, les concurrents d’EDF devront relever la facture de leurs clients : de 11,4 % en 2010, puis de 3,5 % par an entre 2011 et 2025 pour les particuliers ! Autant dire que cela supprimerait toute velléité de concurrencer EDF. A moins, cas plus probable, que lesdits concurrents négocient directement avec leur puissant fournisseur...

Ces projections, qualifiées d’"estimations très théoriques" par la CRE, ont déclenché une petite tempête politique. Quelques heures plus tard, Philippe de Ladoucette a précisé que ces chiffres "n’engagent en aucune manière EDF". Ils n’engagent pas non plus le gouvernement. Le ministère de l’écologie et de l’énergie, pour sa part, a immédiatement précisé que la loi NOME n’entraînerait pas d’augmentation des prix car "elle pérennise les tarifs réglementés [fixés par l’Etat] pour tous les ménages et les petits professionnels [artisans, collectivités locales...]", tarifs qui resteront du ressort de l’Etat.

Les Français bénéficient d’un prix du courant très compétitif : il est inférieur de plus de 30 % à la moyenne européenne. Tous les analystes du secteur pensent cependant que les prix de l’électricité, en France, seront amenés à augmenter. Le gouvernement avait fini par résoudre le casse-tête politique récurrent de la hausse des tarifs du gaz, en en confiant la responsabilité à la CRE. Dans les prochaines années, il va de nouveau affronter les critiques de l’opposition, des syndicats et des associations de consommateurs sur l’inflation des prix de l’énergie.