Bush junior prétendait qu’un nouveau président disposait de cent jours pour faire adopter des réformes « fondatrices ». Après c’est trop tard. C’est ce que Nicolas Sarkozy avait compris en faisant voter à l’été 2007 la loi TEPA par le Parlement.
Pendant cette période, encore auréolé de sa victoire, le Président se trouve en position de force ; sa majorité obéit au doigt et à l’œil ; l’opinion suit ; les sondages sont au zénith. C’est « l’état de grâce », cher à François Mitterrand. Mais, dès qu’arrive septembre, les premiers grognements apparaissent. Les difficultés se multiplient : augmentation des prix, progression du chômage, arrivée des feuilles d’impôts locaux font que ce « citoyen-consommateur-électeur » commence à trouver d’avantage de défauts que de qualités à la nouvelle équipe.
Celle-ci, subitement paralysée par des sondages en baisse, devient circonspecte. De plus en plus hésitante à lancer des réformes susceptibles de braquer les parlementaires et l’opinion. Alors on ne fait plus rien ou plus exactement les ambitions des différents projets de loi sont revues à la baisse. Aux grandes annonces de la campagne électorale succèdent au Parlement des textes suffisamment amendés pour perdre leur saveur initiale, tant le Gouvernement est préoccupé d’éviter les écueils et, tout particulièrement les remous au sein de sa majorité.
C’est ce qui attend certainement le tandem Hollande-Ayrault. Faute d’avoir utilisé la session extraordinaire de juillet – qu’il était possible de prolonger en août et en septembre – pour foncer et imposer les projets de loi les plus marquants (création d’une banque publique, réforme du secteur bancaire, fin du cumul des mandats, « Acte III de la décentralisation »…), le Gouvernement a préféré jouer les petits bras en se contentant de faire voter une loi « technique »(loi de finances rectificative) indispensable pour respecter l’objectif d’un déficit public contenu à 4,5% du PIB à la fin de l’année et une loi « sociétale » imposée par le Conseil constitutionnel qui tenait à ce que cette incrimination fût précisée. S’il avait été réélu, Nicolas Sarkozy aurait été contraint de faire adopter ces deux textes à peu près dans les mêmes termes. Où se trouve la différence alors ? Les électeurs socialistes les plus lucides seront enclins à considérer qu’il n’y en a pas…
En tout cas c’est l’avis de Jean-Luc Mélenchon qui estime que « ce fut une session du temps perdu. Cent jours pour presque rien ». Difficile de contester son diagnostic : « Après dix ans la gauche revient au pouvoir et tout ce qu’il y aurait à faire, ce serait un collectif budgétaire et une loi sur le harcèlement sexuel ? » Il est vrai également que « l’atermoiement continu laisse les mains libres à la finance ! » Il y a des vérités qui gagnent à être dites par un « proche » de l’intéressé : « Hollande est un social libéral comme ceux qui ont conduits au désastres grec, espagnol et portugais. »
« Méluche » connait suffisamment le métier pour savoir que « les cent premiers jours sont cruciaux pour marquer une identité et un rapport de force » avec la finance. C’est pourquoi il est déjà convaincu de l’échec de Hollande (JDD, 19/08/2012). Sur ce point là au moins on ne saurait lui donner tort.
Dans un entretien avec Paul Moffen publié par Polemia, le philosophe Alain de Benoist fait le même constat : « Quand les hommes politiques arrivent au pouvoir, c’est en général pour découvrir leur impuissance. Pour des raisons qui excèdent leurs personnes, je ne crois donc pas qu’il y ait beaucoup à attendre de François Hollande ou de Jean-Marc Ayrault. Je crains qu’ils n’aient pas la carrure nécessaire pour faire face à la crise généralisée dont la situation présente est un signe avant-coureur. Pour desserrer l’étau du système de l’argent, il faut beaucoup de volonté et beaucoup de moyens. A mon avis, les deux leur font défaut. »