Les coupes prévues par l’ex-ministre Jérôme Cahuzac dans le budget de la Défense l’auraient conduit à sa perte. C’est ce qu’affirme L’Hebdo dans son édition de jeudi. L’hebdomadaire romand publie sur le sujet une enquête citant des « sources sécuritaires », des députés UMP et des membres de la Commission de défense de l’Assemblée nationale.
Avant sa démission, l’ex-ministre du Budget considérait l’armée comme un poids lourd à alléger. Il envisageait ainsi de raboter dans son budget jusqu’à 1 milliard d’euros en 2014. D’autres milliards étaient prévus les années suivantes.
Le tout aurait figuré dans la future loi de programmation militaire (LPM) couvrant la période de 2014 à 2019. La LPM aurait fait passer les dépenses de l’armée de 1,5 % du PIB français à 1,1 %. Un plus bas historique pour la France.
Concrètement, la taille aurait signifié la suppression de 31 régiments dans l’Armée de terre, la vente du porte-avion Charles-de-Gaulle, l’annulation de commandes d’hélicoptères Tigres et de deux sous-marins nucléaires Barracuda, l’arrêt de production des avions Rafale et des transporteurs Airbus A400M, ainsi que la suppression de quelque 51 000 postes. Des bases françaises à l’étranger auraient été fermées et les budgets des renseignements intérieurs et extérieurs revus à la baisse.
Coupes inacceptables
Ces mesures auraient été jugées inacceptables de l’intérieur, affirme L’Hebdo. Davantage d’économies dans le ministère de la Défense risquaient même aux yeux de certains de mettre en péril le statut de grande puissance internationale de la France et de rendre le pays indigne de siéger au Conseil de Sécurité de l’ONU.
Ainsi, avant que le président François Hollande ne se prononce le 22 mars sur le projet de loi de Jérôme Cahuzac, ce dernier a fait face le 19 mars à l’ouverture d’une enquête judiciaire à son encontre. Il démissionnera dans la même journée. Le 2 avril, il avouera devant la justice posséder un compte non-déclaré à l’étranger, détruisant ainsi durablement sa carrière politique.
Les « sources sécuritaires » de L’Hebdo sont très claires. Aucun hasard n’est à lire dans cet enchaînement d’événements. « L’armée a eu sa peau. On ne s’attaque pas impunément à nous. Il voulait notre mort. Nous l’avons eu. Et d’autres ministres pourraient suivre si Hollande continue sur cette voie », menace l’une des sources.
La précision des informations aux mains de la justice française sur le compte en Suisse de l’ex-ministre du Budget a surpris les autorités genevoises, souligne encore L’Hebdo. Cette minutie porterait la marque de l’intervention des services de renseignement français qui enquêtent depuis des années sur les fraudeurs du fisc.
Un certain nombre d’informations seraient gardées au chaud, plutôt que d’être livrées à la justice, afin de conserver une certaine influence sur les politiques en cas de besoin. Les enquêteurs l’ont reconnu dans un document collectif signé par des officiers de la Direction centrale du renseignement intérieur et remis le 16 février à un groupe de travail sur les exilés fiscaux.
Le lobby militaro-industriel à dos
Outre les coupes dans le budget de la Défense, Jérôme Cahuzac envisageait de s’attaquer à l’industrie militaire. Il avait ainsi annoncé en février vouloir renforcer le mécanisme de contrôle et de contre-expertise dans les achats du ministère de la Défense. Une démarche qui lui aurait mis à dos le puissant lobby militaro-industriel au chiffre d’affaires annuel de 15 milliards d’euros.
Face à la pression de l’armée et de ce lobby, François Hollande aurait été contraint d’agir. La nomination de Bernard Cazeneuve comme remplaçant de Jérôme Cahuzac est ainsi à comprendre comme un geste en direction de l’armée et de l’industrie militaire, selon L’Hebdo. L’article souligne que le nouveau du gouvernement est originaire de Cherbourg, une importante base maritime et de production militaro-industrielle.
Dans la foulée, le président a également repoussé le débat sur la loi de programmation militaire (LPM) à l’automne. Le temps de revoir sa copie ?