L’ambiance s’est tendue, hier, à la faculté de lettre de Corte, à l’occasion de l’ouverture d’une exposition. Celle d’un étudiant en arts plastiques qui associait le sexe et la religion sur des photographies.
Il est 15 heures, hier, à la faculté de lettres de Corte, campus Mariani. Le doyen Pascal Ottavi s’efforce de parfaire le retour au calme en positivant. « On pourra retenir malgré tout que la communauté étudiante est soucieuse de s’impliquer dans les affaires de la cité ».À ce moment-là, les explications ont eu lieu, dans les moindres détails, les yeux dans les yeux, et les parties en présence semblent vouloir en rester là. Mais une heure auparavant, le ton était monté, les esprits s’étaient vraiment échauffés.
À l’origine de cette agitation, l’initiative d’Anthony Limelette, un étudiant inscrit en 2e année d’arts plastiques dont l’inspiration a choqué au plus haut point. « Histoire d’une absence »,tel était l’intitulé de son exposition auquel il conviait la communauté universitaire, dans les locaux pédagogiques de sa filière, à partir de 14 heures. Cette exposition n’a pas eu lieu, les syndicats étudiants se sont chargés de « l’annuler ».
La veille au soir, ces derniers avaient découvert les affiches annonçant l’exposition, mais aussi et surtout la photographie centrale qui accompagnait l’annonce : la mise en scène d’un sexe masculin « décoré » d’un chapelet. Il n’en fallait pas plus pour provoquer la colère des étudiants de la Ghjuventù paolina et de la Cunsulta di a ghjuventù corsa. Choqués que l’on puisse associer le sexe à la religion, invoquant ce que cette dernière représente dans l’île, les représentants syndicaux se sont retrouvés dans le local pédagogique appelé à devenir un lieu d’exposition le temps d’une journée. Sur place, le désordre règne déjà, les murs sont déjà tagués, les inscriptions dénonciatrices sautent aux yeux. Le nom de l’étudiant plasticien s’étale sur un mur au côté du mot « perversità ».
De l’appel à la paroisse à l’arrivée des gendarmes
Dans le cours des discussions serrées qui vont s’en suivre, les étudiants syndicalistes, rejoints par d’autres, affirmeront qu’ils n’ont rien à voir avec ces dégradations. Auparavant, la Ghjuventù Paolina avait pris soin d’alerter le curé de Corte, pour l’informer et l’associer à la démarche de protestation. Retenu par sa mission, l’abbé Valery n’a pu se déplacer, mais quelques dames impliquées dans les activités de l’Église au plan local sont descendues sur le campus. Bon nombre de témoins croyaient alors rêver, ils n’étaient pas au bout de leur surprise.
Visiblement alertés par le coup de fil d’un témoin qui craignait l’escalade, les gendarmes font à leur tour irruption. Ce qui déplaît fortement aux étudiants qui s’en vont demander aux représentants des forces de l’ordre les raisons de leur présence, invoquant l’accès à un campus universitaire qui ne leur est pas autorisé. La confrontation se limite cependant au simple échange. Les gendarmes n’interviendront pas et se retireront, d’autant que la tension retombe pour faire place à une explication qui ne verra pas le ton monter. Entre-temps, le doyen de la fac de lettres est arrivé, avec Don-Mathieu Santini, le vice-président du conseil d’administration.
Aux côtés d’un de ses enseignants, montré du doigt par des accusateurs d’autant plus remontés qu’ils avaient découvert des affiches de l’expo sur les portes de leurs propres locaux associatifs, l’étudiant incriminé se défend comme il peut. Présentant sa démarche comme un travail dans un premier temps limité au cadre pédagogique, Anthony Limelette assume le côté provocateur des affiches. L’étudiant précise également que d’autres affiches, avec d’autres photos ont été placardées, et que le contenu de son expo était loin de rejoindre totalement le cliché à l’origine du tollé.
Insistant tout particulièrement sur les valeurs de la Corse indissociables du fait religieux, les étudiants syndicalistes réaffirment leur refus de les voir insultées (voir par ailleurs). S’efforçant à son tour d’apaiser les esprits dans le dialogue, Don-Mathieu Santini fait part de son respect pour la liberté artistique, considérant en même temps que celle-ci ne peut ignorer les questions les plus sensibles de notre société, ni s’autoriser n’importe quoi avec. Quelques instants plus tard, Pascal Ottavi propose aux parties opposées de les recevoir, à tour de rôle, dans son bureau pour d’autres entretiens.
Hier soir, l’incident semblait clos. La communauté universitaire qui venait de vivre, avec la première candidature déclarée à la prochaine élection présidentielle, le lancement officiel d’une campagne, ne s’attendait pas à ce que la conception artistique d’un étudiant mette le feu au campus.