Le partenariat pragmatique entre la Russie et l’Otan est suspendu. Les contacts diplomatiques entre les représentants permanents seront maintenus tout en restant formels, écrit jeudi le quotidien Rossiïskaïa gazeta.
La direction de l’Alliance a annoncé ses plans vis-à-vis de l’Ukraine. Ils pourraient se résumer par une phrase du communiqué émis à l’issue de la réunion de deux jours entre les ministres des Affaires étrangères de l’Otan à Bruxelles : "Il est primordial pour l’Otan que l’Ukraine dispose d’une armée opérationnelle". Deux questions légitimes se posent. Premièrement, pourquoi est-ce si important pour l’Alliance ? Deuxièmement, quel sera l’ennemi potentiel de cette armée opérationnelle ukrainienne ?
Les autorités de Kiev affirment verbalement que la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance, qui plus est le déploiement de bases de l’Otan sur son territoire, ne se pose pas. D’ailleurs, les politiciens se réfèrent au statut non aligné du pays fixé par la Constitution. Mais en pratique, la situation est différente. Les militaires de l’Otan se préparent déjà à s’installer en Ukraine. Il suffit d’écouter les candidats à la présidentielle Ioulia Timochenko ou Petr Porochenko pour comprendre que le statut de non aligné ne tiendra pas longtemps. L’Otan n’hésitera pas à profiter de la moindre occasion pour déployer ses bases en Ukraine. C’est la raison pour laquelle il est aussi important pour l’Alliance d’élargir sa coopération militaire avec Kiev et d’habituer les Ukrainiens à l’idée que les militaires de l’Otan sont leurs nouveaux amis. C’est pour cette raison que la direction de l’Alliance souhaite créer en Ukraine une armée aux normes de l’Otan avec des armes otaniennes, qui considérerait la Russie comme son ennemi.
Auparavant, lors des réunions ministérielles Otan-Russie, l’Alliance affirmait que sous sa forme actuelle elle n’était pas un bloc militaire, mais politique avant tout. Dans ce sens, les experts prédisaient la dissolution de l’Otan, car son existence était dénuée de tout sens en l’absence d’ennemis extérieurs. Le partenariat avec Moscou privait les stratèges de l’Alliance d’un ennemi concret et les poussait à chercher de toute urgence de nouveaux ennemis tels que le terrorisme international, l’Iran et ou la Corée du Nord.
Mais aujourd’hui, la situation a changé du point de vue de l’Otan. La réunification de la Crimée et de la Russie s’est immédiatement reflétée dans le discours des dirigeants otaniens – à l’instar des acteurs trop longtemps forcés à parler d’une voix artificielle, ils ont enfin pu redevenir eux-mêmes.
La liste des mesures que l’Alliance a l’intention d’entreprendre impressionne par son niveau d’hostilité à l’égard de la Russie. Washington a demandé aux autorités roumaines d’augmenter son contingent de soldats et d’avions sur la base aérienne Mikhaïl Kogalniceanu sur la mer Noire. Le nombre de militaires américains passera de 1 000 à 1 600 hommes. Aucune information n’a encore été annoncée concernant les avions.
Des avions munis de systèmes de détection et de commandement aéroporté effectuent des survols réguliers du territoire de la Roumanie et de la Pologne. Le nombre de chasseurs dans les pays baltes a doublé grâce aux États-Unis. "Nous avons l’intention de renforcer et de mettre à jour la planification militaire ainsi que l’organisation des exercices, et de prendre une décision sur le déploiement de forces supplémentaires", a déclaré le secrétaire général de l’Otan Anders Fogh Rasmussen.
Un groupe d’officiers américains se rendra en Europe pour convenir les plans d’extension des manœuvres militaires communes dans la région. Le Pentagone étudie la possibilité d’envoyer un navire américain supplémentaire en mer Noire. Le premier ministre polonais Donald Tusk, insatisfait par la lenteur de l’augmentation de la présence de l’Otan dans son pays, a appelé l’Alliance à agir avec davantage de détermination. A long terme, il est question d’installer en Europe de l’est des bases permanentes de l’Otan. Un partenariat entre Moscou et Bruxelles avait été possible lorsqu’en 1999, les premiers pays du Pacte de Varsovie ayant adhéré à l’Otan avaient renoncé à la construction de tels sites. Les experts sont persuadés que la décision de construire ces bases serait interprétée par Moscou comme une provocation exigeant une réaction symétrique.
La liste des initiatives militaires de l’Otan donne l’impression que l’Alliance se prépare à une guerre. Mais contre qui ? Après tout, personne n’a menacé les pays de l’Otan et aucun changement géopolitique concernant les frontières des États membres de l’Alliance ne s’est produit.
Voir aussi, sur E&R : Les États-Unis renforcent leur présence militaire en Roumanie