L’Italie a vu s’envoler mercredi ses espoirs d’une sortie de crise rapide avec l’annonce d’un nouveau recul de son PIB qui la renvoie en récession pour la 3è fois en moins de 10 ans et embarrasse le gouvernement de Matteo Renzi.
Le Produit intérieur brut de l’Italie a baissé de 0,2% au deuxième trimestre 2014 par rapport au précédent, une performance en deçà des attentes des économistes qui s’attendaient à une légère hausse de l’indicateur ou au pire à une baisse de 0,1%.
Le PIB s’est en outre contracté de 0,3% par rapport au deuxième trimestre 2013, selon cette première estimation publiée mercredi par l’institut de statistiques Istat.
Il s’agit d’un grave revers pour l’énergique chef du gouvernement Matteo Renzi, perçu en Europe comme le grand vainqueur des élections européennes (dans le camp social-démocrate), et qui comptait sur le retour de la croissance pour boucler son budget, combattre le chômage et tenter de contenir la gigantesque dette du pays (plus de 2 000 milliards d’euros).
Cette annonce a immédiatement fait plonger la Bourse de Milan. Le principal indice, le FTSE Mib, chutait de plus de 3% vers 11H00 GMT.
"Le reprise en zone euro démarrée au printemps de l’année dernière et qui s’est progressivement étendue à presque toute la zone n’a pas pris en Italie", constate Christian Schulz, économiste de Berenberg, résumant l’opinion de ses confrères.
"Les fortes baisses du PIB observées en 2012, lorsque le gouvernement (de Mario) Monti augmentait les impôts et réduisait les dépenses pour rétablir la confiance des marchés dans (la tenue des) finances publiques sont finies. Mais tandis que l’Espagne et le Portugal sont rapidement repartis (...), l’Italie continue de peiner", souligne-t-il.
Martin Lueck, de la banque UBS, est du même avis : "Le résultat est effectivement beaucoup plus faible qu’attendu. Nous pensions qu’il allait se maintenir plus ou moins inchangé. Le marché s’est montré favorable à l’égard de l’Italie grâce à l’optimisme de Matteo Renzi et à sa volonté de réformes, mais (ces chiffres) pourraient bien refroidir tout cela".
L’Italie entre ainsi dans sa troisième phase de récession depuis 2007. Elle n’a par ailleurs connu depuis la mi-2011 qu’un seul trimestre de modeste croissance, avec une hausse de 0,1% du PIB au 4è trimestre 2013. Elle a vu son PIB reculer successivement de 2,5% en 2012 et de 1,9% en 2013. Une performance négative sur l’ensemble de 2014 n’est désormais plus à exclure, notent plusieurs économistes.
Le gouvernement italien, le FMI et la Banque d’Italie ont tous récemment revu leurs estimations à la baisse, entre +0,2 et +0,8%, mais pourraient devoir les réajuster une nouvelle fois à la lumière des nouveaux développements.
Que va faire le gouvernement italien dans l’immédiat ? Le ministre de l’Economie Pier Carlo Padoan a pris les devants dans une interview au quotidien Il Sole 24 Ore parue mercredi, reconnaissant que l’Italie se trouve "dans une phase de sortie de la récession très pénible car la récession est vraiment profonde".
Il n’est cependant "absolument pas question" selon lui que la "troïka" (les experts UE-BCE-FMI, ndlr) vienne reprendre les rênes des finances italiennes. "Le pays doit se réformer tout seul et il est en train de le faire. Nous devons le faire encore plus vite", a-t-il lancé. Et de promettre : le seuil des 3% de déficit public/PIB "ne sera pas dépassé en 2014, ni en 2015. Et il n’y aura pas besoin de nouveau tour de vis".
Interrogé sur les chiffres italiens, le porte-parole du commissaire européen aux Affaires européennes, Simon O’Connor, a toutefois laissé transparaître une certaine préoccupation : les performances décevantes du premier semestre "pourraient avoir un impact négatif sur les finances publiques", a-t-il souligné, tout en admettant qu’il "est trop tôt pour revoir notre prévision de déficit pour 2014".
Les experts de la banque Morgan Stanley notent pour leur part que pour réussir, les "Renzinomics" (les réformateurs appuyant Renzi, ndlr) ont impérativement besoin de "stabilité politique". Or, l’approbation de la nouvelle loi électorale italienne n’en est qu’à mi-chemin et la réforme en cours du sénat fait encore face à "des défis complexes" qui pourraient s’étaler encore sur une année.