Un an après sa prise de fonction, le président iranien Hassan Rouhani et son gouvernement sont confrontés à une situation géopolitique très instable au Moyen-Orient.
Téhéran avait longtemps été considérée comme le principal bénéficiaire de l’intervention américaine en Irak en 2003, mais il doit maintenant faire face à des difficultés inattendues chez son voisin et ancien ennemi juré. Les succès militaires de l’État islamique ont surpris l’Iran. La proclamation d’un « califat » dans le nord de l’Irak et la Syrie orientale, territoires occupés par des sunnites, étant la plus mauvaise nouvelle. Avec la menace de cette organisation sunnite terroriste, très anti-chiite, Téhéran est confronté à un double risque sur son sol et à sa frontière.
La question kurde est une autre raison évidente d’inquiétude pour l’Iran qui doit se méfier des retombées sur sa propre population kurde, ainsi que l’influence très probable que les États-Unis et Israël pourraient avoir sur la politique d’un État kurde indépendant dans le nord de l’Irak. En effet, la création d’un tel État serait susceptible d’accélérer la désintégration totale de l’Irak, avec lequel il partage 1 599 km de frontière. Ce serait une catastrophe pour l’Iran. Au-delà de l’Irak, la situation dans le Levant reste très préoccupante pour le régime iranien. En Syrie, Rouhani semble avoir les mains liées et être incapable de changer le cours de la politique de son prédécesseur. Pour cette raison, il a continué à soutenir le président syrien Bachar al-Assad et à offrir sous diverses formes de l’aide au régime syrien.
Mais en dépit de cette aide massive, le gouvernement syrien ne parvient pas à se rétablir. Il est affaibli, et l’économie du pays a été fortement délabrée. En même temps, la situation est militairement dans une impasse, et l’unité de la Syrie est menacée, malgré le soutien politique, financier et militaire de Téhéran. Selon certaines sources, au moins soixante membres des Gardiens de la Révolution islamique, une branche de l’armée iranienne, ont été tués en Syrie depuis 2011. Les violences en Syrie se sont répandues au Liban, où des intérêts iraniens ont été ciblés. Le Hezbollah, allié de Téhéran se bat sur le terrain en Syrie, mais aussi au Liban.
Le casse-tête de Gaza
À première vue, le conflit cet été à Gaza pourrait sembler positif pour la République islamique, car il dégrade l’image d’Israël. Pour la première fois, l’opinion publique en Iran a été unie autour du soutien aux Palestiniens.
Pourtant, la situation a créé de nouveaux problèmes pour Téhéran. Maintenant, l’Iran se voit contraint de rivaliser avec le Qatar et la Turquie pour influencer le mouvement palestinien, ce qui n’est pas du tout du goût de Assad. Le président syrien est en effet très critique à l’égard du Hamas, qu’il accuse de l’avoir trahi en soutenant la rébellion. Cela pourrait donc compliquer la relation entre la Syrie et l’Iran, et c’est une question que la diplomatie de Téhéran va devoir résoudre.
À l’est, une autre mauvaise surprise pourrait survenir en Afghanistan après le retrait des troupes américaines à la fin de cette année. L’avenir du pays reste encore incertain. À ce jour, il n’y a pas eu de solution politique avec les Talibans, et la possibilité qu’ils puissent profiter du retrait de l’Occident pour tenter de reprendre le pouvoir ne peut pas être exclu. Cela compromettrait les liens politiques et économiques, qui ont mis de nombreuses années à être édifiés, entre Téhéran et Kaboul. Devant une montée en puissance des Talibans, la République islamique pourrait se retrouver entre Charybde et Scylla, avec un encerclement de sunnites radicaux par l’Afghanistan et par l’Irak. Il s’agit d’un scénario potentiellement très dangereux pour l’administration Rouhani, en particulier au regard des minorités sunnites qui vivent dans les régions le long des deux frontières.
En dépit de l’évolution récente en Irak, dans le Levant, dans la bande de Gaza et les incertitudes en Afghanistan, Rouhani et son gouvernement ont connu un certain succès au cours de l’année écoulée avec la Turquie et certains des émirats du Golfe. Avec son voisin turc, Rouhani a joué la carte de l’apaisement et a réactivé une relation bilatérale qui fut tendue lors du « printemps arabe », et plus particulièrement avec le conflit syrien. L’accord intérimaire de Genève en novembre dernier sur le programme nucléaire iranien, la présence croissante des groupes radicaux en Syrie qui menacent la propre sécurité de la Turquie, les conséquences de la guerre civile syrienne pour Ankara, et, enfin, le conflit entre musulmans sunnites et musulmans chiites augurent de la possibilité d’un rapprochement supplémentaire entre les deux pays. Dans le Golfe, le « printemps arabe » a également engendré des relations bilatérales tendues entre l’Iran et les monarchies pétrolières. Mais dès qu’il a pris ses fonctions, Rouhani a appelé à les redémarrer. Et encore une fois, l’accord intérimaire de Genève sur le programme nucléaire de l’Iran en novembre 2013 a ouvert la voie à progresser sur le chemin de la détente.
Vers le Golfe
Dans une tentative de rebondir sur la dynamique positive créée par l’accord nucléaire intérimaire, Rouhani a pris des mesures envers ses voisins du Sud. À la fin de 2013, son ministre des Affaires étrangères Javad Zarif a visité quatre des six monarchies du Golfe (Oman, Qatar, Koweït et Émirats arabes unis) avec en retour, des représentants de ces pays en visite également à Téhéran, y compris l’émir du Koweït en juin. Ces progrès importants en terme de diplomatie et de relations économiques ont contribué à atténuer l’isolement de l’Iran, le seul écueil étant la relation avec l’Arabie saoudite et Bahreïn, sur lequel Rouhani n’a fait aucun progrès à ce jour.
Malgré quelques tentatives dans le premier semestre de cette année, Téhéran et Riyad ont été incapables d’apaiser la véritable « guerre froide » qui les oppose dans le nouveau Moyen-Orient. Bien qu’ils partagent des intérêts communs dans la lutte contre l’État islamique, qui constitue une menace à la fois pour les deux pays, la détente entre le Royaume arabe et la République islamique ne semble pas être au programme pour l’instant.