La reprise dans la zone euro est peut-être déjà terminée, indique Simon Wren-Lewis, professeur d’économie à l’Université d’Oxford, sur la base d’un graphique montrant l’évolution de l’épargne des ménages aux États-Unis, au Royaume Uni, dans la zone euro, et plus spécifiquement en Espagne.
Ainsi, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, le taux d’épargne des ménages a augmenté pendant la crise financière, et il est resté élevé jusqu’en 2013. Il affirme que la reprise de 2013 au Royaume Uni s’explique précisément par la chute du taux d’épargne : après une période au cours de laquelle les familles ont restauré leur patrimoine en épargnant beaucoup et en réduisant leurs emprunts, la consommation est repartie à la hausse.
Mais dans la zone euro, on n’a pas observé ce phénomène. En revanche, on constate que la chute du taux d’épargne consécutive à la crise financière s’est produite bien plus précocement qu’aux États-Unis ou au Royaume-Uni.
Selon Wren-Lewis, la théorie keynésienne explique parfaitement ce qui s’est produit : la récession dans la zone euro a été provoquée par la politique d’austérité, plutôt que par la crise financière. Une loi macro-économique non écrite veut que lorsque les gouvernements décident d’augmenter leurs économies, le secteur privé est contraint de réduire son épargne.
La zone euro a bien profité de la baisse de son taux d’épargne : c’est ce qui a atténué l’impact de la récession de 2012. Cela implique que nous ne savons pas à quel point les ménages ont restauré leur capacité à consommer : l’épargne s’est réduite en 2010/2011, mais il est possible que ce phénomène se soit produit non pas parce que les ménages ont restauré leur patrimoine, mais parce que la baisse des revenus les a contraints à puiser dans leur épargne pour maintenir leur consommation.
La croissance économique au Royaume-Uni et aux États-Unis pourrait améliorer la situation de la zone euro, mais cet effet pourrait être neutralisé par le ralentissement de la croissance économique dans les économies émergentes.
Dans le Daily Telegraph, Ambrose Evans-Pritchard cite Paul De Grauwe, qui enseigne à la London School of Economics, et qui dénonce une erreur de nos politiciens qui se sont trompés de diagnostic pour la cause profonde du marasme durable de l’Europe. Ils ont agi comme s’il s’agissait d’une crise de l’offre et ont répondu en imposant des réformes et une politique d’austérité, ce qui a eu pour effet d’en exacerber les symptômes :
« Ils font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher une reprise, et ils ne devraient donc pas s’étonner qu’il n’y ait effectivement pas de reprise. C’est du fondamentalisme de l’équilibre budgétaire, et il est devenu une religion. Nous avons appris des années 1930 que lorsque tout le monde essaie de rembourser ses dettes et que le gouvernement cherche aussi à se désendetter en même temps, le résultat est une spirale descendante. Les rigidités de l’économie européenne existent depuis des années. Elles n’ont absolument rien à voir avec le problème que nous connaissons aujourd’hui. »
(Une observation qui est peut-être mieux illustrée par ce qui s’est passé dans le secteur du ciment espagnol, où les ventes se sont effondrées de 83% depuis l’éclatement de la bulle de la construction en 2007. Après ce gel du secteur de la construction, le gouvernement espagnol a décidé simultanément de suspendre toutes les dépenses dans les infrastructures publiques, produisant une combinaison fatale pour les 37 producteurs actifs dans le secteur. La production de ciment en Espagne vient seulement de revenir au niveau qu’elle atteignait au lendemain de la Seconde Guerre mondiale)
« Il s’agit d’une récession provoquée par une erreur de politique. Ce n’est pas tant la crise financière qui a fait des dégâts dans la zone euro, que la réponse politique qu’on lui a donné », écrit Euro Intelligence. « Une volonté obsessionnelle de réduire les dépenses dans une conjonction toxique de banquiers centraux obsédés (qui semblent obsédés de tout, sauf d’atteindre leurs propres objectifs d’inflation) ».
Pendant ce temps, tout le monde recherche un bouc émissaire. Les commentateurs allemands mettent en cause la France, les Français critiquent les Allemands, tandis que le premier ministre italien Matteo Renzi affirme que le problème de la zone euro ne se situe pas seulement en Italie.
Le Royaume-Uni est le seul à bien s’en sortir en Europe, grâce au dynamisme incroyable de sa capitale, Londres. Le pays a enregistré une croissance de 3% par rapport à la même époque de l’année dernière. Mais encore une fois, il faut rappeler que ce pays ne fait pas partie de la zone euro…