Les Espagnols, appelés aux urnes tout au long de l’année, menacent, selon les sondages, de casser le bipartisme en vigueur depuis 1982 en lui préférant le « la lutte à quatre », avec la gauche radicale Podemos et l’outsider Ciudadanos.
Las de la politique d’austérité imposée par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy après la crise qui a éclaté en 2008 sous un gouvernement socialiste, les électeurs cherchent des alternatives aux deux partis traditionnels éclaboussés par des scandales de corruption incessants.
Ciudadanos, emmené par un avocat de 35 ans, Albert Rivera, qui entend lutter contre la corruption, a réalisé une progression spectaculaire, confirmée dimanche dans un sondage de l’institut Metroscopia qui en fait la quatrième force du pays. L’enquête, publiée dans le journal El Pais, donne à ce parti de centre-droit 18,4 % des intentions de vote aux législatives de la fin de l’année, juste derrière le Parti Populaire (PP) conservateur avec 18,6 %. Ciudadanos n’en recueillait 8,1 % en janvier et 12,2 % en février.
Podemos, plus radical et qui a recueilli 1,25 million de voix aux élections européennes de 2014 quelques mois après sa création, court depuis des mois en tête des sondages de Metroscopia. Ce parti n’ayant jamais siégé dans une assemblée espagnole rassemble 22,5 % des intentions de vote, devant les 20,2 % du Parti socialiste (PSOE).
Les chiffres de Metroscopia ont surpris la plupart des analystes. « Ciudadanos me parait surévalué », a déclaré le sociologue Fermin Bouza, de l’université Complutense qui attribue le succès actuel de cette formation au regain d’informations sur les scandales du PP.
L’Andalousie
Au sein du Parti Populaire, on se dit aussi étonné. Mais les enquêtes internes du PP « confirment l’ascension de Ciudadanos », dit un élu conservateur. « C’est un fait que nous aurons un Podemos très fort et un Ciudadanos fort, qui absorbe les petits partis. Il faudra voir ce qu’il se passe en Andalousie et surtout au lendemain de cette élection régionale le 23 mars, quand il faudra former des alliances. »
L’Andalousie, la région la plus peuplée d’Espagne gouvernée traditionnellement par le PSOE, fait figure de laboratoire pour la politique nationale. Les sondages, y compris ceux du vénérable CIS qui dépend du gouvernement, prédisent que le PSOE les remportera sans atteindre la majorité absolue et devra se chercher un partenaire de coalition. Il aura le choix puisque Podemos et Ciudadanos entreraient au parlement andalou, rejoignant le PP et les anciens communistes d’Izquierda Unida, tous les deux en perte de vitesse.
Podemos, qui vise la majorité absolue aux législatives, évite de parler de coalitions possibles. Albert Rivera au contraire reconnaît qu’il lui faudra former des alliances.
Les pactes post-électoraux
Après l’Andalousie, les élections municipales et régionales du 24 mai « permettront de mesurer l’appui réel des partis, et les pactes post-électoraux vont dessiner la stratégie pour les élections suivantes », ajoute Ignacio Urquizu, un autre sociologue de l’université Complutense. Pour lui, les sondages reflètent la perte de références des électeurs. « Le PP et le PSOE sont des partis politiques, Podemos et Ciudadanos sont des phénomènes sociaux et ça rend la situation plus volatile », a-t-il déclaré.
Face au leader de Podemos, Pablo Iglesias, queue de cheval et blue jeans, et son cercle de professeurs de gauche, l’avocat Albert Rivera et son physique de jeune premier représente le changement plus tranquille. Son programme économique, élaboré par un professeur de la London School of Economics, Luis Garicano, a de quoi rassurer les entreprises. Il a le soutien des medias, notamment du nouveau journal El Español.
Mais Ignacio Urquizu exclut toute manipulation politique. « Personne n’avait intérêt à ce que l’on publie que Ciudadanos recueille autant d’intentions de vote », dit-il. Pour lui, le PP a perdu plus de voix qu’il ne l’avoue et « Ciudadanos a bouché que le grand trou [qu’il a laissé] au centre droit ».