L’Argentine et les fonds spéculatifs américains, dits fonds « vautours » ne sont parvenus à aucun accord sur le litige qui les oppose à propos de la dette, au terme de deux jours d’intenses tractations à New York sous l’égide du médiateur américain, Daniel Pollack.
L’Argentine se trouve de facto dès mercredi en défaut de paiement après la fin du délai de grâce que lui accordé le juge du tribunal d’appel de New York, Thomas Griesa pour trouver une solution avec NML et Aurelius, qui ont fait condamner Buenos Aires à leur rembourser la totalité de leur dû, soit 1,33 milliard de dollars plus les intérêts.
« Malheureusement, aucun accord n’a été conclu, et la République d’Argentine va se retrouver de façon imminente en situation de défaut » de paiement, a déclaré mercredi soir Daniel Pollack, désigné par le juge Griesa pour superviser les négociations entre les deux parties.
« Les conséquences d’un tel défaut sont imprévisibles, et certainement pas bonnes », a ajouté le médiateur américain lors d’une conférence de presse. Il ne s’agit « pas d’une simple mesure technique, mais plutôt d’un événement concret et douloureux qui touchera des gens », a ajouté Daniel Pollack, cité par les médias locaux. La « vraie victime, au bout du compte, ce sera l’Argentin de la rue », a-t-il dit.
Avant même de l’annonce de l’échec des négociations entre Buenos Aires et les fonds « vautours », spécialisés dans le rachat à des prix cassés de la dette des pays en difficulté, l’agence de notation Standard and Poor’s (S&P) a décidé de dégrader d’un cran la note souveraine de l’Argentine, reléguant le pays dans la catégorie « défaut sélectif ».
Selon S&P, le « défaut sélectif » signifie que « l’emprunteur n’a pas honoré une certaine partie de ses obligations ou une émission spécifique mais qu’il continue de payer ses autres types d’emprunts dans les temps ».
Pour sa part, le ministre argentin de l’Economie, Axel Kicillof, qui a conduit la délégation de son pays lors de ces négociations, a indiqué, lors d’une conférence de presse, que les fonds spéculatifs « ont essayé de nous imposer quelque chose d’illégal ». L’Argentine est « prête à dialoguer, à trouver un consensus. Nous allons chercher une solution juste, équilibrée et légale pour cent pour cent de nos créanciers », a-t-il promis.
Selon Buenos Aires, l’exécution de la décision de la justice américaine pourrait encourager les autres créanciers ayant accepté une décote de 70% de la dette argentine, à réclamer le remboursement intégral des prêts accordés à ce pays.
La troisième puissance économique d’Amérique latine, en proie à une baisse sans précédent de ses réserves en devises, pourrait ainsi se voir contrainte à rembourser plus de 100 milliards de dollars supplémentaires aux bailleurs de fonds privés, en vertu de la clause dite RUFO (Rights Upon Future Offers) par laquelle l’Argentine s’est engagée à accorder un traitement égalitaire à tous ses créanciers privés.
L’Argentine « va rembourser » les porteurs de bons issus de la dette restructurée, mais « à des conditions raisonnables, sans tentative d’extorsion, sans pression, sans menace », a ajouté Axel Kicillof, niant que son pays soit en situation de défaut de paiement.
« L’argent est là, bien évidemment si nous étions en défaut, il ne serait pas là », a-t-il expliqué avant de quitter New York pour regagner Buenos Aires, alors que le gouvernement argentin n’a pas encore réagi officiellement à l’échec des négociations avec les fonds « vautours ».
Le juge Griesa avait bloqué le 16 juin des fonds déposés par l’Argentine dans une banque de New York pour payer ses créanciers privés ayant accepté d’effacer 70% de la dette de Buenos Aires en 2005 et 2010. Il a ordonné à l’Etat argentin de payer d’abord 1,3 milliard de dollars à NML et Aurelius, détenteurs de moins de 1% de la dette en question.
Le ministre argentin a attribué la responsabilité de cette situation « inédite » au juge Griesa. « L’Argentine a payé, elle a de l’argent, elle va continuer à payer. C’est le juge Griesa le responsable », a-t-il dit en référence à l’argent bloqué par le magistrat.
« Nous leur avons fait une offre (aux fonds « vautours »). Nous leur avons proposé de faire un gain de 300 pour cent. Ca n’a pas été accepté, parce qu’ils veulent plus et ils le veulent maintenant », a ajouté Axel Kicillof.
Selon les analystes, l’Argentine aura davantage de difficultés pour accéder aux marchés financiers internationaux suite à ce nouveau défaut de paiement. La principale conséquence de cette situation devrait être aussi une aggravation de la récession. Le cabinet de conseil économique argentin Abeceb prévoit une baisse de 3,5% du PIB et anticipe une fuite des capitaux étrangers ainsi qu’une hausse de l’inflation qui pourrait atteindre 41% à la fin de 2014.
Pour sa part, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde a minimisé l’impact d’un défaut de paiement. « Même si un défaut est toujours regrettable, nous ne pensons pas qu’il aura des conséquences majeures en dehors » du pays, a-t-elle estimé.
Une des alternatives évoquées par la presse argentine durant les dernières heures des négociations pour sortir de la crise est l’intervention de banques privées argentines pour racheter les créances de NML et Aurelius.