Un imposteur de l’Holocauste ? Un homme de Pennsylvanie a menti sur son emprisonnement à Auschwitz, ainsi que sur son évasion, d’après un historien américain.
Des années durant, Joseph Hirt a voyagé à travers le pays, racontant son évasion d’Auschwitz, réduit à l’époque à un « squelette de 28 kg recouvert de peau », sévèrement émacié, parvenu à se glisser sous une clôture électrique, s’échappant ainsi vers la liberté et plus tard vers une nouvelle vie en Amérique.
Le citoyen d’Adamstown, en Pennsylvanie, a pris la parole dans des écoles et des bibliothèques, participé à des tables rondes, a répondu à des journalistes de la presse écrite, à de nombreuses reprises. Mais, lors d’une présentation récente à un groupe dans l’État de New York, un sceptique s’est manifesté au sein de son habituel public d’admirateurs. Or, ce sceptique clame que ses recherches démontrent qu’une grande part du récit horrifiant du nonagénaire est un mensonge. Cet homme est Andrew Reid, professeur d’histoire à Turin, New York. Il a assisté à la conférence de Hirt le 15 avril, non loin de Lowville. Il avait hâte d’entendre un passionnant témoignage de premier plan de la vie de Hirt dans un camp de la mort nazi, et de son évasion éventuelle, selon ses propres termes. Au lieu de cela, Reid fut frappé par les incohérences dans la version des faits de Hirt, ainsi que dans les preuves qu’il prétendait fournir pour étayer ses dires. Depuis, le neveu de Hirt a bien confirmé que son récit est un mensonge. Hirt, cependant, campa sur ses positions lorsqu’il fut sollicité par le Reading Eagle pour commenter son récit. Menant son enquête sur Hirt, Reid a conclu qu’il avait menti sur sa détention à Auschwitz, sur son évasion du camp, ainsi que sur ses rencontres frontales avec des personnages tels que Josef Mengele, « l’Ange de la Mort » nazi.
Par exemple, Reid explique :
Hirt dit avoir été capturé par les Nazis et déporté à Auschwitz en 1941. Il a dit à plusieurs reprises s’être échappé d’Auschwitz en 1942, précisément la 31 mars, ce dont il dit se souvenir car c’était la date d’anniversaire de son père.
Cependant, le numéro de prisonnier tatoué sur le haut de l’avant-bras de Hirt appartient à une personne polonaise arrivée à Auschwitz en 1944, dit Reid, citant des officiels du Musée National d’Auschwitz-Birkenau. Ces mêmes officiels ont confirmé cette information à Pennlive jeudi dernier.
Le site du U.S. Holocaust Memorial Museum affirme également que la méthode de tatouage au niveau de la face interne du haut de l’avant-bras gauche des prisonniers d’Auschwitz, là où se situe celui de Hirt, n’est entrée en vigueur qu’en 1943, soit des années après sa prétendue arrivée.
En ce qui concerne l’évasion de Hirt, Reid affirme que les officiels du Musée National d’Auschwitz-Birkenau lui ont dit qu’il n’y avait eu « qu’une seule évasion » recensée au cours des mois entourant la prétendue date d’évasion de M. Hirt, et que cette personne n’était pas M. Hirt. Ceci a également été confirmé à Pennlive.
Il y a aussi la photographie régulièrement exposée par Hirt lors de ses allocutions, qui aurait selon lui été prise par un garde d’Auschwitz, et qui le montrerait étendu sur un brancard, tout émacié, peu avant son évasion en 1942. Cependant, cette photographie, selon Reid, a en fait été prise par un soldat américain lors de la libération d’un autre camp, dans un autre pays, en 1945.
Reid explique que cette photographie, visible ici, a été prise par Mickey Martins, membre de la 42ème Division d’Infanterie « Rainbow » de l’armée américaine qui libéra le camp allemand de Dachau en 1945.
Contactée par Pennlive mercredi dernier, l’épouse de Hirt s’est refusée à tout commentaire sur ces allégations, se limitant à dire que Hirt est hospitalisé depuis peu.
Reid a également décliné, ayant lui-même dirigé un journaliste à travers la chronique minutieuse de ses recherches, qu’il a fait parvenir aux médias par mail plus tôt cette semaine.
Cette enquête contient des citations sans appel des membres de la propre famille de Hirt, qui considère ses allégations sur Auschwitz comme mensongères.
« Les récits… sont de parfaites fabrications sur tout ce qui concerne Auschwitz », selon Michael Hirt, un neveu de Joseph, cité dans le texte.
« Lorsque j’ai tenté de le confondre, il a en fait protesté, arguant que les récits étaient sortis de leurs contextes, ou que les auteurs fabriquaient les récits. Bien entendu, je ne le crois pas… Peut-être aura-t-il suffisamment honte pour arrêter, même si bien sûr le mal est fait ».
Contacté par Pennlive, Michael Hirt a confirmé ses déclarations. Il a également déclaré que son oncle avait été mis à l’écart par sa famille proche à cause de ses allégations, et qu’il était déjà séparé de certains membres de sa famille avant même d’avoir commencé à les formuler.
« Son récit n’était que la cerise sur le gâteau », explique Michael Hirt, ajoutant qu’il n’a vu son oncle qu’à deux reprises en 25 ans et qu’il ne lui connaît pas d’affection mentale antérieure aux faits pouvant expliquer son témoignage sur Auschwitz.
Michael Hirt dit également que son oncle a ajouté « plusieurs années à son âge réel », et qu’il est plus proche de 85 ou 86 ans.
Enquêtant sur les allégations de Hirt sénior, Reid affirme avoir consulté les officiels du Musée National d’Auschwitz-Birkenau en Pologne, ainsi que le Simon Wiesenthal Center de Los Angeles.
Aaron Breitbart, chercheur principal du Centre, un musée et fonds de charité spécialisé sur le racisme en Amérique et sur l’histoire de l’Holocauste, a confié à Pennlive que tout en se refusant formellement à « confirmer ou démentir les allégations de ceux qui disent être des survivants d’Auschwitz », les informations sur Hirt lui ayant été présentées par Reid lui ont « certainement fait hausser les sourcils ».
Une grande part de la « démystification » opérée par Reid implique une étude attentive des dates et des repères chronologiques présentés par Hirt, qui selon Reid furent faciles à recouper et vérifier. Quant à savoir pourquoi personne n’a tenté cela avant, Reid dit que la réponse est simple : « Qui suspecterait quiconque de faire des allégations aussi extraordinaires sur un tel sujet ? »
Reid réfute également le récit de Hirt d’un face à face avec le Dr Josef Mengele avant mars 1942 à Auschwitz, précisant que « l’arrivée de Mengele à Auschwitz en mai 1943 seulement est bien documentée », soit un an plus tard. Cette information est attribuée à un officiel du Musée National d’Auschwitz-Birkenau qui l’a confirmée à Pennlive par email jeudi dernier.
« Je souhaite être bien clair » avance Reid, « je ne suis pas un négationniste de l’Holocauste. En effet, l’homme qui m’a offert mon premier poste d’enseignant il y a des années était un survivant du camp de concentration de Bergen-Belsen et c’est en partie en sa mémoire et pour la préservation de la vérité de ce que des millions de personnes ont enduré que j’ai pris la responsabilité d’exposer la tromperie honteuse de M. Hirt. J’ai l’espoir que M. Hirt retirera de son plein gré ses assertions frauduleuses et cessera ses présentations publiques ».
D’autres, comme le neveu de M. Hirt, craignent que le mal ne soit déjà fait.
« Malgré son désir de "faire le bien", la démonstration de sa fraude alimente le feu de ceux qui pensent que l’Holocauste était une fabrication », explique Michael Hirt à Reid. « Peut-être ses récits sont-ils une thérapie pour lui. Honnêtement, je ne sais pas ».
Michael confie ne pas comprendre pourquoi son oncle ressent le besoin de mentir, ajoutant qu’ « il a une formidable histoire à raconter sans avoir besoin d’inventer des choses ».
Cette histoire inclut l’évasion d’Europe de Hirt senior durant la Seconde Guerre mondiale, avec sa famille, et leur arrivée aux États-Unis parmi les 982 réfugiés gratifiés d’un statut « privilégié » à l’Emergency Refugee Shelter de Fort Ontario à Oswego, New York, en 1944.
Reid, citant des membres de la famille, dit que Hirt et ses frères et sœurs sont nés et ont vécu à Horodenka en Pologne – aujourd’hui en Ukraine – et qu’ils fuirent avec leur parents la Pologne pour Belgrade en Yougoslavie alors que la guerre s’étendait, traversant plus tard la Mer Adriatique et s’installant à – et autour de – Rapino en Italie.
En Italie, ils demeurèrent cachés dans les montagnes environnantes pour l’essentiel de cette période, explique Reid, et la famille ne connut pas de perte lorsque les armées alliées libérèrent la partie sud de l’Italie en 1944, les secourant alors. Michael Hirt confirme ce récit. Il confirme aussi que de nombreux membres distants de la famille périrent dans des camps nazis.
Cependant, Reid précise que les embellissements historiques de Hirt ne s’arrêtent pas avec l’arrivée de la famille aux États-Unis, mais incluent sa prétention d’avoir sympathisé avec Eleanor Roosevelt à l’abri pour réfugiés d’Oswego, New York, et d’avoir profité de cette amitié pour sécuriser l’accès à la citoyenneté américaine de sa famille. Michael Hirt prétend qu’il est possible que son oncle et la première dame se soient croisés mais qu’ « il n’en a aucune preuve ». Reid dit aussi que Hirt a frauduleusement affirmé avoir assisté aux jeux Olympiques de 1936 en Allemagne, et qu’il était assis suffisamment proche d’Hitler pour l’avoir entendu décrier le médaillé d’or Jesse Owens, chose qu’un nombre croissant d’historiens affirment à présent n’être jamais advenue.
Michael Hirt dit croire « à moitié » que son oncle y était bien, expliquant qu’ « il [Joseph] a une cousine toujours en vie en Amérique du Sud (Uruguay) à qui j’ai rendu visite il y a 13 ans environ, et elle a évoqué avoir assisté aux Jeux olympiques avec mon oncle Joe ».
En ce qui concerne tout ce que Michael Hirt dément, il affirme en avoir parlé avec certains frères et sœurs de Joseph Hirt, et même avec Joseph en personne.
« Je l’ai appelé il y a quelques semaines, je crois, après avoir correspondu avec Andrew Reid, et j’ai tenté de confondre oncle Joe », dit Michael. « Sa réponse fut : "Si un journaliste a écrit de telles choses dans le journal alors il m’a cité de façon erronée ou a donné une fausse image de moi" ».
Interrogé sur une photo du tatouage de prisonnier qu’il prétend avoir reçu à Auschwitz, Michael dit que son oncle nie son existence.
« Il dit que s’il y a une photo de lui avec un tatouage, c’est une fausse photo », a indiqué Michael.
« Il ne voulait pas l’admettre », a ajouté le neveu.
« Il était dans le déni complet ».