Confiné par les sanctions internationales, l’Iran s’est largement ouvert à la Chine puis à l’Inde au cours des dernières années. Profitant de l’absence américaine puis du retrait forcé des compagnies européennes, la Chine a conclu un certain nombre d’accords pétroliers et gaziers avec l’Iran.
Après une série d’échecs militaires, notamment en Irak, mais également en Syrie et en Ukraine, Washington n’a d’autre choix que de parier sur une victoire diplomatique en Iran, au risque de fragiliser sa relation avec Israël mais également avec l’Arabie Saoudite.
Le renversement de posture américain se traduit aujourd’hui par une gigantesque bataille économique entre les majors chinoises et américaines. Celle-ci a lieu en toute discrétion, à l’ombre des négociations nucléaires. Alors que l’avionneur Boeing refait son entrée sur le marché iranien, les Européens, qui ont été évincés du fructueux marché iranien, cherchent, mais un peu tard, à en obtenir une part.
L’Iran, qui a un besoin urgent d’investissements, se présente comme le grand bénéficiaire de ces tractations. Prenant exemple sur l’antique politique française d’équilibre afin d’assurer son indépendance, l’Iran tâche de mettre en concurrence les investisseurs chinois, indiens, américains et européens. Toutefois, ce rééquilibrage n’est pas une finalité en soi. En effet, l’Iran ne souhaite pas une ouverture brutale de ses propres marchés qui pourrait menacer tout à la fois son économie parallèle et surtout sa propre identité. Les élites iraniennes sont parfaitement conscientes que leur pays, de part son histoire ancienne, représente un obstacle à la normalisation libérale. L’ouverture doit donc être maîtrisée.
C’est pour cette raison que l’Iran ne souhaite pas une résolution trop rapide du conflit. Or la maîtrise du temps est une donnée essentielle en Perse, dans la mesure où la lenteur y est associée à la majesté [1]. Faute d’avoir pris en compte cette donnée culturelle fondamentale, les pays occidentaux auront du mal à construire une relation durable avec la nouvelle plaque tournante du Moyen-Orient.
Thomas Flichy de la Neuville
Professeur à l’Institut d’études politiques de Bordeaux, à l’École navale puis à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, Thomas Flichy de La Neuville est spécialiste de la diplomatie au XVIIIème siècle. Ancien élève en persan de l’Institut national des langues et cultures orientales, agrégé d’histoire et docteur en droit, ses derniers travaux portent sur les relations françaises avec la Perse et la Chine à l’âge des Lumières.