Le 27 juillet 1214, le roi de France Philippe Auguste remporte une bataille cruciale pour l’Histoire de France, renforçant la légitimité du pouvoir royal et faisant émerger un certain patriotisme français jusqu’alors inexistant dans une France féodale.
Lorsque Philippe Auguste est sacré roi de France en 1179, le tiers ouest de la France actuelle est sous la domination du roi d’Angleterre. Quant au domaine royal, il n’occupe que le bassin parisien. Le reste du territoire est constitué de fiefs dont les seigneurs sont théoriquement soumis à l’autorité du roi de France, conformément aux règles de la féodalité. En 1202, l’immoralité de Jean sans Terre, roi d’Angleterre et vassal de Philippe Auguste, sert de prétexte à ce dernier afin de confisquer par la force une grande partie du territoire de la future France (la Normandie, le Maine, l’Anjou, la Touraine, le Poitou). La crainte suscitée par cette croissance rapide du royaume de France donne alors l’occasion à Jean sans Terre de former une coalition avec le comte de Flandre et l’empereur du Saint Empire romain germanique.
Alors que l’armée de Jean sans Terre est mise en déroute le 2 juillet 1214 par les troupes du fils de Philippe Auguste, la victoire décisive contre les alliés est remportée à Bouvines, près de Lille, le 27 juillet de la même année par l’armée royale soutenue par des milices populaires. Les conséquences sont importantes pour Jean sans Terre qui, de retour en Angleterre, politiquement affaibli, est contraint d’accorder aux barons anglais la Magna Carta, première pierre du futur constitutionnalisme anglo-saxon. Cette grande charte limite le pouvoir royal en garantissant le droit à la liberté individuelle.
Plusieurs historiens ont vu dans la bataille de Bouvines le jour de naissance du sentiment national français. « Si nous pouvions reconstituer la pensée des Français en l’an 1214, nous trouverions sans doute un état d’esprit assez pareil à celui de nos guerres de libération », écrira Jacques Bainville. C’est aussi une étape forte dans l’édification de la relation fusionnelle entre la couronne et le peuple. Le duc Lévis Mirepoix, historien, expliquait ainsi au sujet de la victoire de Bouvines :
« Chevaliers, paysans à cheval, milices communales… Tous ceux qui devaient construire ensemble la France dans la paix affirmèrent, d’un élan coordonné, sa souveraineté par les armes. Pourquoi le roi prit-il ce jour-là tant de risques personnels ? Parce qu’il fallait que sa poitrine parût physiquement le rempart de la France et que la dynastie partageât entièrement le risque du pays [1]. »
Outre ces prémices de patriotisme, le règne de Philippe Auguste voit également naître la traduction politique de ce sentiment, soit les fondements institutionnels de la France à venir : un État centralisateur pour lutter contre la féodalité.
Extrait de la Petite Histoire de France de Jacques Bainville :
La bataille de Bouvines gagnée par Philippe Auguste, par Horace Vernet (1789-1863) :