Que peut donner l’interview du premier valet de l’oligarchie dans le premier média de l’oligarchie ? Un mélange de propagande, de contre-vérités, et d’aveuglement qui fait honte aux esprits les plus rationnels.
Pas besoin d’être anti-socialiste ou anti-social-démocrate pour comprendre que ce Système, très bien symbolisé par cet homme et ce média, est arrivé au bout de sa logique. Des deux côtés, côté présidence et côté média, on a rabaissé la fonction. À un porte-parole des puissances non démocratiques (les lobbies dominants) pour l’un, et à la propagande des mêmes puissances pour l’autre. Le président relaye les ordres supérieurs, Le Monde fait la promotion de ce système. Les deux sont déconsidérés, et il ne suffira pas d’appeler « extrême droite » la saine réaction populaire pour s’en débarrasser. Ce réflexe trotskiste dépassé indique l’impuissance de ces pouvoirs – le visible et l’invisible – à contrôler les gens.
Ce qui suit, le discours d’un président défait et la complaisance du média, illustre la fracture désormais consommée entre le peuple et le système médiatico-politique. Si ce n’est pas pré-révolutionnaire, ça en a tout l’air.
Le contexte de l’interview est le sommet de Versailles – ça rappelle 14-18 – qui ce réunira ce lundi 6 mars 2017 au soir, avec les chefs de gouvernement de nos trois grands pays limitrophes, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Dès le début, le ton est donné.
Le Monde : La possibilité d’une victoire de Marine Le Pen à l’élection présidentielle alarme nos partenaires européens, qui y voient un danger mortel pour le projet européen. Est-ce votre sentiment ?
François Hollande : La menace existe. L’extrême droite n’a jamais été aussi haute depuis plus de trente ans. Mais la France ne cédera pas. D’abord, parce qu’elle est la France et qu’elle a conscience que le vote du 23 avril et du 7 mai déterminera non seulement le destin de notre pays mais aussi l’avenir même de la construction européenne.
Car si d’aventure la candidate du Front national l’emportait, elle engagerait immédiatement un processus de sortie de la zone euro, et même de l’Union européenne. C’est l’objectif de tous les populistes, d’où qu’ils soient : quitter l’Europe, se fermer au monde et imaginer un avenir entouré de barrières de toutes sortes et de frontières défendues par des miradors. Mon ultime devoir, c’est de tout faire pour que la France ne puisse pas être convaincue par un tel projet, ni porter une si lourde responsabilité.
Conclusion : le FN au pouvoir, c’est les miradors. Dans la bouche d’un Frédéric Haziza ou d’un Jean-Yves Camus, on peut comprendre ce genre de raccourci, mais dans celle d’un président… Dans l’entretien entre Sylvie Kaufmann (Marchand, en allemand) et François Hollande, l’Europe tient une grande part. Le président plaide pour une défense européenne, scie qui dure depuis quasiment les débuts de l’Europe. Une illusion quand on sait la soumission des pays européens au parapluie américain, que ce soit directement ou indirectement, via l’OTAN.
Parfois, Hollande laisse échapper une phrase surréaliste, comme « le plan Juncker pour l’investissement qui a même été amplifié et prolongé, c’est bien une réorientation en faveur de la croissance ». Ce qui est économiquement faux : il n’y a pas de plan de relance européen, à part celui des banques. On l’a vu avec l’aggravation du chômage qui touche environ 25 millions de personnes en âge de travailler sur les 27 pays de l’Union.
Il faut attendre les trois-quarts de l’interview pour la première question journalistique ou un peu rationnelle :
« Comment expliquez-vous le désenchantement sur l’Europe ? A-t-on sous-estimé la revendication d’identité nationale ? Le ressentiment sur la mondialisation ? Quelles erreurs ont-elles été commises ? »
Ce à quoi, dans une même phrase, le président répond par un bel oxymore :
« Mais nous n’allons pas tomber dans le protectionnisme, ni refuser tout accord commercial même équilibré comme le CETA ! En revanche il est nécessaire de lutter contre toutes les formes de dumping. C’est ce qui a été fait sur l’acier chinois. »
Le sens global de la réponse présidentielle sur le désamour européen chez les peuples en question est que l’Union souffre de « pas assez d’Europe ». Le remède n’est pas efficace ? On double le remède. À l’ère des tweets populistes, l’Europe n’irait pas assez vite dans son processus de décision. Il aurait fallu creuser un peu, et insister sur l’incroyable bureaucratisation de ce que certains ont appelé la nouvelle Union Soviétique. La puissance centrale de l’UE par rapport aux pays et donc aux peuples pose la question de la souveraineté de ces derniers. Mais de ce point essentiel, il n’est point question dans les réponses du président, qui préfère botter en touche, de l’autre côté de l’Atlantique, dans une Amérique trumpienne qu’il résume en ces mots : « l’isolationnisme, le protectionnisme, la fermeture à l’immigration et la fuite en avant budgétaire ».
Côté président, on ne se refait pas. Côté Le Monde non plus. Après avoir abordé l’UE et les États-Unis, voici la question sur la Russie :
« Quel niveau de menace représente la Russie actuellement, pour les démocraties et sur la scène internationale ? »
On a connu Le Monde plus mesuré, ou moins engagé ! Mais la réponse du président in extenso et en guise de conclusion est un modèle d’inversion accusatoire :
« Que cherche la Russie ? À peser sur les espaces qui étaient autrefois les siens dans l’ex-Union soviétique. C’est ce qu’elle a tenté en Ukraine notamment.
Elle veut participer à la résolution des conflits dans le monde, à son avantage. On le voit en Syrie. Elle s’affirme comme une puissance. Elle teste nos résistances et mesure à chaque instant les rapports de force.
En même temps, la Russie utilise tous les moyens pour influencer les opinions publiques. Ce n’est plus la même idéologie que du temps de l’URSS mais ce sont parfois les mêmes procédés, les technologies en plus. Avec une stratégie d’influence, de réseaux, avec des thèses très conservatrices sur le plan des mœurs. C’est aussi la prétention de défendre la chrétienté par rapport à l’islam.
N’exagérons rien mais soyons vigilants.On me dit souvent “Pourquoi ne dialoguez-vous pas plus souvent avec le président Poutine ?” Mais je n’ai jamais cessé de dialoguer avec lui ! Avec la chancelière aussi, d’ailleurs. Et c’est bien. Vladimir Poutine est à la tête d’un grand pays, lié à la France par une longue histoire. Mais parler n’est pas céder, ce n’est pas admettre le fait accompli.
Parler c’est agir pour trouver les bonnes solutions. Sur la Syrie, on voit bien que si l’opposition est écartée ou minorée il ne peut y avoir d’issue politique [dans le cadre des négociations] à Genève.
Là aussi l’Europe est au pied du mur. Si elle est forte et unie, la Russie voudra entretenir une relation durable et équilibrée.
Quant aux opérations idéologiques, il faut les démasquer. Il faut dire très clairement qui est avec qui, qui est financé par qui. Pourquoi tous les mouvements d’extrême droite sont plus ou moins liés à la Russie. »
C’était l’interview de François Hollande, 7e président de la Ve République, interrogé sur l’Europe, et qui nous explique clairement que la souveraineté et le populisme, c’est mal. C’est-à-dire, en creux, que l’oligarchie, qu’elle soit européiste ou mondialiste, c’est bien. Cet homme ne travaille décidément pas pour nous.