Le parquet de Paris a ouvert une enquête après la fuite d’un document « confidentiel défense » sur un projet de frappes françaises en Syrie en 2013, obtenu par des journalistes du Monde dans le cadre d’entretiens à l’Élysée avec François Hollande, a indiqué ce lundi une source judiciaire.
L’enquête a été ouverte pour compromission de la défense nationale, après un signalement du député Les Républicains Éric Ciotti, a précisé la source. Dans un article paru le 24 août dernier, les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme relataient un entretien avec François Hollande à l’Élysée le 30 août 2013 et évoquaient un document estampillé « confidentiel défense » de la veille et dont ils disaient avoir eu copie.
« Rédigé la veille, le 29 août, par son état-major particulier, il détaille la “timeline du raid” à venir. C’est le véritable vade-mecum de l’intervention française », écrivaient-ils, alors que le document était publié dans le quotidien. L’article, intitulé « Le jour où... Obama a laissé tomber Hollande », racontait dans quelles conditions la France avait renoncé à ses frappes à l’époque, face aux tergiversations du président américain.
Fin août, Éric Ciotti s’était ému une première fois d’« une compromission flagrante et dangereuse du secret nécessaire à notre sécurité et à notre souveraineté ». Dans son courrier au parquet de Paris, daté du 4 novembre, il affirme avoir écrit deux fois au ministère de la Défense sans obtenir de réponse.
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Pour Bertrand Warusfel, professeur à l’université de Lille, et avocat au barreau de Paris, spécialiste du droit de la guerre et de la sécurité, « il sera compliqué juridiquement de poursuivre le chef de l’État... »
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Extraits de l’article du Monde :
Sur le bureau du président, envahi de dossiers, quelques documents, certains estampillés « Confidentiel défense ». Hollande consulte l’un d’entre eux en particulier. Nous en avons eu copie. Rédigé la veille, le 29 août, par son état-major particulier, il détaille la « timeline du raid » à venir. C’est le véritable vade-mecum de l’intervention française.
Tout y est répertorié. La veille de l’attaque, les Rafale des bases d’Abou Dhabi et de Djibouti devront avoir finalisé leurs derniers tests à 15 heures. Le président de la République devra donner son accord final à 20 heures. Les équipages seront briefés à 21 heures, pour un décollage prévu à 22 h 40.
Le dernier contre-ordre possible, pour le chef de l’État, pourra intervenir à 1 heure du matin, jour de l’attaque. Après, il sera trop tard. Cinq missiles Scalp seront lancés à 2 h 30, pour atteindre leurs cibles, des bases militaires syriennes, trente minutes plus tard. Hollande annote le document, compare les décalages horaires, pour mieux se caler avec l’allié américain.
« Malheureusement », Obama renonce au dernier moment :
Les Rafale peuvent déposer leurs missiles. À la dernière minute, les États-Unis ont abandonné la France en rase campagne. Il n’y aura pas d’attaque aérienne. Car Hollande n’a jamais envisagé d’agir en solitaire. Militairement, c’était possible. Diplomatiquement, beaucoup trop risqué. « L’opération ne pouvait être que collective », confirme-t-il. Finalement, il voit dans cette déconvenue quelques avantages.
« Les pays qui nous ont regardés ont dit : “Tiens, la France a été la seule à tenir bon”, les pays du Golfe, les pays arabes, on a obtenu la considération… », veut croire le chef de l’Etat.
Maigre consolation. Du point de vue de Hollande, la volte-face d’Obama a indirectement contribué à la montée en puissance, en Syrie, de l’organisation État islamique (EI). En cas de frappes, « le régime aurait été affaibli, l’opposition plus forte, et Daech [acronyme arabe de l’EI] ne serait pas apparu comme ça, même s’il existait déjà en Irak », nous dit-il.