Gérard Depardieu a donné une interview exclusive à Komsomolskaya Pravda. C’est un ami de Gérard, le producteur Arnaud Frilley, qui maîtrise admirablement la langue russe, qui a aidé les journalistes et l’acteur français à communiquer.
Komsomolskaya Pravda : Gérard, voilà plus d’un an que vous êtes citoyen russe. Qu’est-ce que c’est, aujourd’hui, pour vous ?
Gérard Depardieu : Je ne fais jamais de bilans ! Je ne regarde pas en arrière – je me contente de vivre. Cette année avec la Russie a été merveilleuse. J’ai rencontré des gens magnifiques, tourné des films, découvert de nouveaux lieux.
K. P : Comment avez-vous réagi à l’apparition soudaine d’un nouveau réalisateur pour la version russe du film Raspoutine ? (Pour mémoire, il s’agit de cette série franco-russe au casting de star : Depardieu, Khabenskiï, Machkov, Fanny Ardant etc. Réalisée par Josée Dayan. Mais pour le grand écran, le montage a été confié au réalisateur russe Irakli Kvirikadze, ndlr)
Gérard Depardieu : Comme avant, je considère que le travail fait par Josée Dayan est excellent. La série est passée sur les écrans de télévision d’une cinquantaine de pays.
K. P : Après le tournage du film Viktor, vous avez eu un autre projet, au Kazakhstan, cette fois. Quels sont vos autres plans – au cinéma et en affaires ?
Gérard Depardieu : Au Kazakhstan, nous avons tourné un film « contemplatif » : La voix des steppes (Depardieu y jouait un spécialiste de l’acoustique, un homme au don rare, presque extra-sensoriel, ndlr). En ce moment, avec Arnaud, nous préparons un nouveau projet en Russie – pour 2015.
Arnaud Frilley : C’est une comédie où joueront des acteurs russes et français. Nous travaillons aussi sur une série télévisée sur la Seconde Guerre mondiale – pour les 70 ans de la Grande Victoire. Il y a aussi un projet de film sur une danseuse du théâtre Bolchoï. Et puis une adaptation d’un roman, dont le tournage se déroulera sur le Baïkal. Enfin, dans les plans, nous avons un projet de film musical, dont l’action se passe à Saint-Pétersbourg à la fin du XIXè siècle.
K. P : Il y a un an, à la question de savoir ce que vous auriez demandé à Vladimir Poutine lors de la traditionnelle « ligne directe », vous avez répondu : pour le moment, je préfère écouter. Et cette année, avez-vous écouté le président ?
Gérard Depardieu : Oui, j’ai regardé la « ligne ». Et cette fois-ci non plus, je n’aurais pas posé de question : je fais confiance à cet homme sur le plan politique ; tout ce qu’il fait, il le fait pour et au nom de la Russie.
K. P : Et de quoi avez-vous parlé, lors de votre rencontre informelle avec Vladimir Poutine ?
Gérard Depardieu : Vladimir m’a parlé de son père – Vladimir Spiridonovitch. Il avait été blessé pendant le blocus de Leningrad. Son épouse allait le voir à l’hôpital. Et il lui donnait une partie de sa ration, pour qu’elle puisse nourrir leur enfant, le frère aîné de Vladimir – Viktor. Ensuite, on a interdit à sa femme de visiter le blessé. Et puis, après sa sortie de l’hôpital, quand il est rentré chez lui, il a croisé des gens qui emportaient les victimes du blocus, les morts de faim et de froid. Parmi les corps, il a aperçu son épouse. « Laissez-la, elle est vivante ! », a dit le père. On lui a répondu que ça n’avait aucun sens, qu’elle mourrait de toute façon… Il a emmené sa femme et lui a sauvé la vie. Le frère aîné de Poutine, Viktor, est mort. Un destin comme ça…
K. P : Gérard, vous êtes évidemment au courant de ce qu’il s’est passé à Kiev et du référendum en Crimée ? La politicienne française Marine Le Pen est parmi les rares à avoir reconnu la légitimité des résultats de ce référendum.
Gérard Depardieu : On ne peut pas juger de la situation en Ukraine sans connaître le contexte historique. Et malheureusement, je suis confronté chaque jour, dans les journaux, à l’ignorance. Quoique, ces derniers temps, on a vu surgir d’autres points de vue : on n’a plus les « méchants Russes » et les « bons Ukrainiens ». J’ai beaucoup d’amis en Ukraine. Je connaissais bien le président Iouchtchenko. Certes, c’est de la politique, mais on ne peut pas choisir entre les intérêts politiques et l’unité du pays. Je suis certain que la Russie ne souhaite pas le moins du monde « ouvrir les portes au chaos » en Ukraine.
K. P : Avez-vous eu l’occasion de regarder les Jeux olympiques de Sotchi ?
Gérard Depardieu : Évidemment, j’ai regardé les jeux, et j’ai été très déçu par l’équipe russe de hockey. Je comptais me rendre à Sotchi, j’avais été invité. Mais pour des raisons personnelles, ça n’a pas pu se faire.
K. P : Qu’avez-vous pensé des célébrations du 70ème anniversaire du débarquement allié en Normandie ?
Gérard Depardieu : Ça a été un grand succès. La présence du président Poutine et l’interview qu’il a donnée aux médias français ont provoqué des réactions indéniablement positives dans la société française.
Arnaud Frilley : Je voudrais ajouter que les Français et les Russes partagent une grande histoire. L’idée que la Russie est aujourd’hui impopulaire à l’étranger : c’est la version des médias. Mais dans la rue, les gens ont une autre opinion. La Russie est toujours autant admirée pour sa culture, elle est enviée et respectée. Et avec la France, il y a un lien particulier. Dites à un Français : « Ce soir, c’est soirée russe ». La réaction ne se fera pas attendre !
K. P : L’été dernier, immédiatement après le tournage à Moscou, vous êtes allé sur les berges de l’océan. Vous aimez les vagues ?
Gérard Depardieu : En réalité, non ! Je vais là-bas pour me reposer, et maigrir. Je fais du sport, je mange de la soupe de poisson. Quiberon – c’est une baie sur la côte occidentale française – est un lieu inoubliable. J’y vais deux ou trois fois par an.
K. P : Comment s’organise une journée ordinaire, pour vous, à Paris ?
Gérard Depardieu : Je ne suis pas souvent à Paris. Mais quand j’y vais, je m’occupe de mes restaurants et de mes vignes. Je rencontre des fermiers, des producteurs – et puis, j’aime énormément la ville elle-même.
K. P : Comment se portent vos affaires en Russie ?
Gérard Depardieu : Le premier restaurant, baptisé « Gérard », ouvrira à Moscou en octobre. Ce sera de la cuisine simple, comme je l’aime, des plats de France et de Russie. J’espère que nous pourrons également ouvrir des restaurants à Saint-Pétersbourg et Saransk.
K. P : Les journaux ont parlé de votre passion pour les femmes russes… Et comment s’appelle votre petite amie française ?
Gérard Depardieu : Vous savez, la vie privée n’est pas toujours intéressante. Je vis avant tout pour mes enfants. Le reste, c’est comme les saisons – parfois, c’est l’été, parfois, l’automne…
K. P : Avez-vous quelque chose à dire à nos lecteurs ?
Gérard Depardieu : Je rencontre des Russes dans le monde entier. Et quand j’entends parler russe, mon cœur s’emplit de joie. Vous m’intéressez. J’ai un lien très fort avec la Russie !