Décidément, la gémellité, ou le proche cousinage, du président socialiste français avec les monarques islamistes du Golfe ne se dément pas. François Hollande a confirmé mardi dans sa conférence de pesse que la France, enfin son gouvernement, allait reconnaître la « Coalition nationale » de Doha comme « la seule représentante du peuple syrien et donc comme le futur gouvernement provisoire de la Syrie démocratique permettant d’en terminer avec le régime de Bachar al-Assad ».
Du coup, la France est le premier pays occidental à reconnaître cette structure, immédiatement derrière les cinq ou six monarchies plus ou moins intégristes islamiques du Conseil de coopération du Golfe. Et tout ça au nom de la démocratie et des droits de l’homme (et de la femme). Et, corollaire de cette reconnaissance, le président atlanto-français a soulevé à nouveau la question de la livraison d’armes à cette opposition radicale, question qu’il compte bientôt soumettre à ses partenaires européens.
Du coup, la France va plus loin et plus vite sur cette question que les États-Unis, voire que la Ligue arabe elle même : pas mal pour un dirigeant de gauche qui se posait essentiellement en candidat anti-Sarkozy !
Ubu président
Il ne faut pas se lasser de le constater et de l’écrire : l’analyse de François Hollande et de son entourage sur la Syrie est ubuesque : on encourage la guerre civile, et au sein de celle-ci, des forces nettement inspirées par les diverses nuances de l’Islam politique radical, au nom de la liberté et de la sécurité du peuple syrien : on va ou on veut livrer des armes à des activistes dont la plupart ne cache pas leur volonté bien arrêtée de massacrer ou de chasser des groupes ethnico-religieux entiers – alaouites, chiites, chrétien, voire druzes – (et qui sont en train de se dresser contre les Kurdes), d’établir un État à fondement religieux, de rabaisser le rôle de la femme dans la société ; on veut à toute force renverser un « dictateur » en coopérant pour cela avec des monarques qui sont les derniers représentants en ce monde du féodalisme monarchique, et qui n’accordent aucun droit ou si peu à leu peuple, à leurs minorités et à leurs femmes ; on stigmatise un régime comme « boucher » en ignorant ou feignant d’ignorer que les bandes insurgées massacrent prisonniers civils et militaires, les égorgent et les décapitent de la plus barbare et archaïque façon ; on déclare seul représentant légitime du peuple syrien, une coalition d’islamistes et de déçus du régime qui est largement ignorée de la population syrienne, qui n’est même pas obéie des combattants de terrain, qui est entièrement dans les mains du Qatar et du Golfe. Et qui, cerise sur le gâteau, n’est même pas reconnue par l’ensemble des opposants à Bachar, ni Haytham Manaa ni Michel Kilo, ni Louay Hassan, par exemple, ne s’associant à son projet de guerre civile.
Dans son article de ce mercredi commentant la conférence de presse de Hollande, l’AFP rappelle incidemment qu’Amnesty International et Human Rights Watch viennent de lancer justement un appel à la soi disant « Coalition nationale » de Doha pour qu’elle « lutte » contre les « exactions commises par les rebelles », « des vidéos d’exécution sommaires de soldats ayant récemment déclenché des condamnations internationales », ajoute l’AFP. Des condamnations internationales, peut-être mais on attend encore celle du binôme Hollande/Fabius !
Le Qatar a racheté le Quai d’Orsay
Cette attitude est ubuesque, mais elle s’explique. Par le « formatage » de Hollande, complètement acquis, comme nombre de ses amis socialistes et de ses rivaux UMP, à la vision atlantiste et libérale du monde, dont l’européisme politique n’est qu’un avatar. Complètement soumis aussi aux divers lobbies sionistes, tout en géopolitique, et singulièrement au Proche-Orient, étant vu par nos « élites » à travers le prisme de intérêts et des analyses des dirigeants de Tel-Aviv. Complètement vendus aussi – le terme parait fort, mais qu’on nous en trouve un autre – aux pétro-potentats du Golfe, et au premier d’entre eux, l’émir du Qatar à qui une équipe gouvernementale en perdition a déjà cédé le renflouement de la petite couronne parisienne, en attendant de vendre – c’est, en ce qui concerne le dossier syrien, virtuellement déjà fait – le Quai d’Orsay.
Tout ceci est assez lamentable pour un grand pays qui fut jadis dirigé par Charles de Gaulle, et qui l’est plus ou moins à présent par BHL, mais ce n’est ni nouveau ni étonnant. Ni, peut-être si grave, pour la Syrie : Hollande n’a pas encore commencé à clouer les caisses d’armes à destination des fanatiques, ; et il n’est pas sûr – litote – que sa jactance belliciste soit rapidement suivie d’effets. On en serait presque réduit à s’en réjouir : la France pèse peu, militairement et diplomatiquement, et mieux vaut pour Bachar al-Assad compter sur l’appui de la Russie et de la Chine (et d’autres) et endurer l’hostilité impuissante d’un président français en état de disgrâce. D’ailleurs, et au fond, François Hollande parle un peu de la Syrie comme il parle du mariage homosexuel, pour faire oublier (enfin tenter) sa rapide faillite politique.
Attention Hollande, images dures !
Et voici, en utile complément de ce qui précède, une nouvelle illustration de ce qui attend beaucoup de Syriens en cas de victoire (heureusement de plus en plus improbable) des fous furieux que vient à nouveau d’encourager l’Élysée. De valeureux combattants de la liberté appartenant à la brigade salafiste al-Tawhid, très active à Alep notamment, a récemment exécuté un Palestinien de Syrie appartenant à l’OLP en lui coupant la tête au couteau, avant de la brandir fièrement à grands cris d’« Allah Akbar ! » et en avertissant que pareille décapitation « sera le sort réservé pour tout traitre » à leur révolution mortifère et obscurantiste. Vous en pensez quoi, M. le Président ? Rien sans doute, car votre formatage ne vous permet pas d’intégrer pareille réalité.
[Avertissement : la vidéo suivante contient des images très violentes – ndlr]