À en juger du wahhabisme de banlieue, grande est l’impression de voir passer des gangs d’enfants perdus d’un dress code à un autre, de la cagoule du rappeur – comme quoi les garçons peuvent se voiler autant que les filles – à un autre déguisement : celui d’un musulman saoudien. Bref, de passer d’un rap de marché à un islam de marché… Qu’en pensez-vous ?
Il y a sans l’ombre d’un doute une volonté de voir des esprits se « wahhabiser ». Et il est certain que pour les esprits les plus enclins à être en rupture avec tout et tout le monde, cette option constitue une sorte de réponse assez confortable, somme toute, pour qui ne semble pas disposé à entendre les appels, pourtant nombreux, que Dieu lance dans le sens du vivre ensemble et du respect de l’autre. Même s’il m’arrive d’ironiser à leur sujet ou encore de me mettre en colère, je crois cependant qu’il faut prendre la juste mesure de ce qui est en train de se passer chez ces jeunes et, avec toutes les bonnes volontés d’où qu’elles soient, mettre en œuvre tout ce qui est possible pour tenter d’enrayer ce processus et les réorienter vers une approche saine de l’islam.
L’imam Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, ne cesse de répéter que la véritable foi ne saurait être qu’intérieure et non point ostentatoire : c’est Dieu que les croyants sont censés adorer et non point la prière et la posture, enseignement qui se trouve aussi dans les Évangiles. Que dire à ces jeunes qui, en s’exhibant musulmans et en prétendant défendre l’honneur d’une « sœur » en pratiquant la guérilla urbaine, participent non seulement de l’islamophobie ambiante, mais finissent par jouer contre leur propre religion, contre leur propre « camp » et au final contre la France ?
Je partage tout à fait la position de l’imam Tareq Oubrou à ce sujet. L’idée d’une solidarité aveugle du musulman pour le musulman seulement parce qu’il est musulman m’est insupportable, mais surtout contraire aux enseignements de l’islam. Dieu nous enjoint en effet à être juste, honnête, objectif et prudent si nous estimons être en mesure de devoir porter un jugement sur une affaire et ce, quelles que soient les parties mises en présence. Malheureusement, l’islam est parfois convoqué à toutes les sauces et sert plus, chez de nombreux jeunes, de bouclier identitaire et de prétexte pour des « revendications » ou autres envies d’en découdre à propos de vieux contentieux qui seraient en suspens entre ces fameux « nous » et « eux ».
Ce drame n’en n’est que plus conséquent quand des responsables et autres personnalités musulmanes passent ces attitudes sous silence, voire parfois même les cautionnent. Et dans cette course à la promotion de l’islam qui serait le plus authentique, il est important de rappeler que, de l’intérieur même de la communauté musulmane de France, il existe des hommes et des femmes qui œuvrent à promouvoir un islam français. Je suis de ceux-là. Je m’y emploie à travers mes spectacles, mes conférences, mes écrits, mes chroniques sur le Net… Cela me vaut quelques critiques, d’être excommunié par certains garants autoproclamés du temple aussi… Ce n’est pas nouveau et je l’assume. Pour le moment. Pourvu que ça dure…
Farid Abdelkrim Ancien patron des jeunes de l’UOIF (Union des organisations islamiques de France), Farid Abdelkrim a opéré une étonnante reconversion d’humoriste. Entre spectacles, vidéos en ligne et conférences suivies de débats avec le public.