Ce n’est pas nouveau, pour qui regarde les Eurovisions qui se suivent et se ressemblent, chaque année est de retour le plus parfait combo du mauvais goût, des revendications convenues, des rébellions en carton et du massacre musical. La cuvée 2021 n’y a pas échappé, même si la technique doit être saluée comme souvent, avec la profusion d’effets pyrotechniques, de vidéoprojections, de cinématiques de caméras et de réglages dignes d’une horlogerie suisse ; cependant le spectacle n’en reste pas moins le témoignage le plus pénible de la lente descente de l’intelligence, des arts et du bon goût.
Avant de descendre justement dans les enfers de l’Eurovision, n’oublions pas que, comme Dieudonné avait trouvé en son temps un professeur en forme de diamant sous un monceau d’ordures, il éclot parfois une rose d’un tas de fumier. Ce fut le cas en 2013 avec un moment de grâce venu des Pays-Bas :
Cette année 2021, la culture musicale et le goût sûr de la Rédaction d’E&R (sous l’égide d’Alain Soral dont on pourra retrouver l’historique interview mélomane en bas du présent article) aurait probablement légèrement distingué de toute cette chienlit chantante le candidat suisse (d’origine albanaise – de toute manière plus aucun candidat représentant un pays n’en provient totalement, peu ou prou).
D’abord parce que le titre est chanté en français, la langue vernaculaire du pays du candidat, ce qui est devenu rare – le règlement n’obligeant malheureusement pas à ce que chaque pays n’utilise que sa langue officielle – mais aussi parce que la composition dénote un petit effort d’émancipation des habituelles grilles d’accords ou des mélodies sans surprises. Dans un monde de médiocrité, le moindre écart à cette norme, même accidentel, doit être souligné et soutenu.
La morale et la vertu
We will not tolerate racism, sexism, ableism, homophobia, transphobia, body-shaming or any other derogatory or hostile language. Offensive users will be blocked and reported.
Nous ne tolérerons pas le racisme, le sexisme, l’handiphobie, l’homophobie, la transphobie, la grossophobie ou tout autre langage dénigrant ou hostile. Les utilisateurs insultants seront bloqués et dénoncés.
L’Eurovision, c’est aussi le bon goût moral, celui qui éloigne de la Haine, celui auquel tout lecteur d’E&R doit se contraindre régulièrement, en particulier les complotistes qui pensent que le métissage forcé et autres fantasmes grand-remplacistes sont un plan ourdi par un quelconque groupe.
Pour faire mentir ces affreux jojos, Israël (tiens, c’est en Europe ? – qui a dit c’est partout ?!) a présenté cette année une chanteuse de couleur flanquée de quatre danseurs affublés de leurs traditionnels Tsitsits, preuve que la communauté juive n’est pas sectaire et sait montrer l’exemple :
Quant aux identitaires et autres racialistes qui usent de subterfuges malsains pour qualifier les allogènes non-européens, par exemple en les nommant « Suédois », ils en seront pour leurs frais avec le représentant nordique :
Et bien sûr les présentatrices sont à l’avenant, comme un parfait composite de notre temps, avec une élégante Noire doublée d’une grande et grosse Blanche (un gros Blanc ? [1]) vulgairement tatouée (ce qui tendrait à admettre qu’étant Blanche il fallait qu’elle fut lestée de handicaps par ailleurs – ce qui est un bien pernicieux sous-entendu) :
Avec l’Eurovision, la morale est donc sauve. Sur le plan de la drogue aussi, puisque le grand buzz de ce samedi soir aura été la suspicion de consommation de stupéfiants en pleine cérémonie par un des candidats italiens (incident d’autant plus remarqué que l’Italie est le pays qui remporte cette saison 2021). En effet, dans un mouvement quelque peu douteux, le chanteur semble comme s’affairer à une activité de cocaïnomane. Mais un examen, même rapide, de la séquence (précisément à 2’52’50 de la vidéo complète ci-dessous) tend à faire penser qu’il s’agit d’un très mauvais procès.
Heureusement, Cyril Hanouna, se drapant d’un accès de vertu dont il avait déjà fait montre face à Juan Branco qui balançait quelques vérités sur son plateau, est monté au créneau :
Si il est avéré que le candidat italien a commis ce geste il faut vraiment qu il y ait disqualification. Attendons les conclusions de l enquête ! Mais si c est vrai c est disqualification ! J en appelle @Francetele @ESC_eurovision @EmmanuelMacron la France doit gagner si c est ça !
— Cyril Hanouna (@Cyrilhanouna) May 22, 2021
Il est évident qu’il ne fait que surfer sur un buzz monté de toute pièce – toute son émission n’étant d’ailleurs que buzz et spectacle stériles dépourvus de toute consistance autre que la course à l’audimat, flattant les plus basses inclinations de téléspectateurs hypnotisés.
Notons que si l’Italie venait à être disqualifiée, c’est la France, deuxième du classement, qui gagnerait le concours [2] !
La candidate française
Venons-en donc enfin à notre candidate nationale, Barbara Pravi, cette magnifique rencontre entre la féminité, les origines serbes et les racines perses. Tout ce qui ne saurait nous déplaire ici à E&R, attachés que nous sommes aux femmes, à la combative Serbie ou à l’Iran pluri-millénaire [3]. Las, sa prestation s’avérera être une poussive contrefaçon de l’immense Édith Piaf dont la mélodie frôle le plagiat et les paroles un exercice de poésie de collège.
La lecture de sa page Wikipédia est à ce titre édifiante, nous avons affaire à un véritable génie qui de 2015 à nos jours, venue de nulle part, petite immigrée sans bagage ni réseau, signe aussitôt chez Capitol Records, puis interprète le générique du film Heidi, intègre ensuite une comédie musicale de Valéry Zeitoun, continue comme comédienne, puis se voit propulsée en première partie de la tournée de Florent Pagny, etc. Tout en trouvant le temps d’écrire pour de nombreux autres artistes comme Yannick Noah, Julie Zenatti, Chimène Badi, Jaden Smith, Florent Pagny, Louane, Angelina, etc.
Une interview dans le quotidien suisse Le Temps nous apporte quelques précisions supplémentaires totalement absentes de sa page Wikipédia comme de l’ensemble d’une presse française unanimement sous le charme :
Quel effet ça vous fait de représenter la France ?
C’est incroyable ! C’est le plus grand concours du monde de la chanson. C’est vraiment énorme. Je suis hypercontente que ce soit avec ce titre car je me sens très française. J’ai plein d’origines de plein d’endroits : j’ai un père serbe, une mère iranienne, une grand-mère juive polonaise et l’autre est juive pied-noir…
Addendum
Notons, en apostille, que le Royaume-Uni aura été cette année clairement sanctionné pour son Brexit (l’Eurovision 2020 n’ayant pas eu lieu), en étant le seul pays à n’obtenir strictement aucun point !
Pour les plus masochistes, l’émission dans son intégralité :
Pour se nettoyer les oreilles, relever le niveau intellectuel et découvrir des pépites musicales :