Nous allons visiter un hôpital psychiatrique pour enfants.
C’est une épreuve obligatoire pour tous les stagiaires de Bad Tözl.
Immense couloir d’une propreté méticuleuse. Pas une allumette ne traîne. Une légère odeur d’eau de Javel et de médicament flotte dans cette atmosphère ouatée. Fenêtres closes. Chaleur moite.
La visite commence par une grande salle aux armoires vitrées. Des foetus flottent dans des bocaux. Ce sont des monstres. Enfants à deux têtes, corps sans bras, débris informes, ils semblent regarder les élèves-officiers de leurs gros yeux globuleux de poissons morts. Bender commente :
Voici ce qu’il en coûte de méconnaître les lois de l’hérédité. La nature se venge toujours. Comprenez-vous pourquoi nous attachons tant de prix à la visite médicale qui précède tout mariage ?
ils passent devant les bocaux. Tout sourire s’est effacé. Peyron fanfaronne encore un peu et colle ses énormes lunettes tout contre les armoires vitrées. Bender semble infatigable :
Malheureusement, certains de ces êtres monstrueux peuvent survivre. Nous allons en voir quelques uns.
Ils parcourent des salles immenses. On les force à s’arrêter devant chaque lit. Le spectacle des visages déformés et monstrueux devient insoutenable. Noël de Tissot blémit soudain, demande les toilettes, et va vomir tout son saoul.
Il rejoint ses camarades dans la salle de conférences où ils sont rassemblés.
Pour accompagner l’exposé de l’untersturmführer Bender, des infirmières amènent des « spécimens ». Une toute jeune fille, blonde et rose, porte dans ses bras un petit enfant couvert de taches brunes comme un léopard. Une famille d’aveugles entre, sourit, s’incline et retourne à sa nuit. Puis viennent des enragés qui hurlent comme des bêtes et que des infirmiers maintiennent entravés.
Bender, imperturbable et blasé, poursuit son cours :
Vous imaginez ce que coûtent de tels êtres, alors que tout le pays supporte l’effort de guerre le plus gigantesque. Toutes ces horreurs auraient pu être évitées par une sélection raciale rigoureuse.
Les Français ne disent rien. voici la terrible plongée dans l’univers de l’horreur. La brutalité de la démonstration les assomme. Cet hôpital psychiatrique où l’on vient de les promener comme dans un jardin zoologique, devient brusquement un cauchemar qu’ils ne pourront plus jamais oublier.
Silencieux, ils remontent dans l’autocar. Ils savent désormais qu’il existe un enfer encore pire que celui des combats.
jean mabire.
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