Les premières estimations de l’évolution du PIB espagnol au 3ème trimestre ont été publiées. Le pays serait enfin sorti d’une récession qui aura duré pas moins de 9 trimestres, avec une minuscule croissance de 0,1 %. Mais on sous-estime souvent les conséquences monstrueuses de la crise.
La fin de la descente aux enfers ?
Malgré tout, il faut sans doute reconnaître que l’effondrement de l’économie du pays est sans doute terminé à moyen terme. En effet, l’effondrement de la demande intérieure provoqué par la crise a permis d’équilibrer les échanges extérieurs. Les exportations progressent (3,8 % en août, contre une baisse de 3,6 % des importations). Le tourisme est dynamisé par les troubles autour de la Méditerranée. Mais du coup, une croissance de 0,1 % n’en apparaît que plus modeste. Il faut dire que la consommation intérieure continue de baisser, pénalisée qu’elle est par le chômage et les baisses de salaire.
Quelques facteurs de risques subsistent. Tout d’abord, la chute du marché immobilier n’est pas terminée : les prix baissent encore. Le montant des créances douteuses continue encore d’augmenter, à 12,1 % en août. Et enfin, la dette publique est passée de moins de 40 % à 100 % du PIB : son poids va se faire sentir dans les années à venir. Certes, comme l’écrit The Economist, le PIB n’a baissé que de 7 % depuis 2007, mais la baisse a été grandement réduite par le rééquilibrage des comptes extérieurs, passés d’un déficit de 10 % du PIB en 2007 à l’équilibre aujourd’hui. En clair, la consommation intérieure espagnole a baissé de de près de 20 % depuis 2007, expliquant le niveau effarant du chômage.
Quel avenir pour Madrid ?
The Economist, même s’il ne sous-estime pas toutes les difficultés de l’économie espagnole, en conclue un peu vite que le pays est sorti d’affaire. En effet, le chômage reste à un niveau monstrueux, les prix de l’immobilier continuent de baisser, le taux de défaut progresse toujours et la dette va atteindre 100 % du PIB. Bref, même si le taux de chômage a légèrement baissé, la vie quotidienne des espagnols continue à se détériorer. En outre, même si le pays est devenu plus compétitif, la concurrence de l’Afrique du Nord ou de l’Europe de l’Est (où les salaires sont 3 à 5 fois plus bas) relativise cela.
Tout ceci pose un double problème. Tout d’abord, le modèle de sortie de crise par les exportations va vite trouver des limites car il y a moins cher que l’Espagne. Ensuite, quand on prend du recul, on est saisi de vertige par la violence de la crise que traverse le pays. Les bulles immobilières ne sont pas nouvelles et leur explosion fait toujours des victimes. Mais ici, le phénomène atteint des proportions inédites. Deux raisons : n’ayant pas sa monnaie, l’Espagne a été doublement une victime de l’euro : des taux trop bas qui ne lui ont pas permis de limiter la bulle et l’impossibilité de dévaluer et monétiser pour s’en sortir, au contraire des États-Unis et de la Grande-Bretagne, comme le soutient Paul Krugman.
Les Espagnols n’avaient pas besoin d’en passer par là et d’être doublement rançonnés par un système financier qu’ils ont dû aider et auquel ils paient des intérêts rubis sur ongle. Il faut espérer que tout cela pousse le peuple espagnol à une profonde remise en cause politique, dont les premiers signes sont là.