Lettre ouverte
DES PSYCHANALYSTES FACE A L’ÉGALITÉ DES DROITS ET AU « MARIAGE POUR TOUS ».
Le projet de loi « Le mariage pour tous » a pour visée l’ouverture du droit au mariage de personnes de même sexe et par voie de conséquence, de l’adoption aux couples mariés de même sexe. Cette évolution de notre code civil mettrait enfin la France au diapason de neuf pays européens, treize dans le monde et neuf états américains.
En réaction à cette évolution démocratique, certains propos mettant en avant une supposée orthodoxie psychanalytique s’opposent formellement à ce projet.
Nous, psychanalystes (ou en formation psychanalytique), souhaitons par ce communiqué exprimer que « La psychanalyse » ne peut être invoquée pour s’opposer à un projet de loi visant l’égalité des droits. Au contraire, notre rapport à la psychanalyse nous empêche de nous en servir comme une morale ou une religion.
En conséquence, nous tenons à inviter le législateur à la plus extrême prudence concernant toute référence à la psychanalyse afin de justifier l’idéalisation d’un seul modèle familial.
Nous soutenons qu’il ne revient pas à la psychanalyse de se montrer moralisatrice et prédictive. Au contraire, rien dans le corpus théorique qui est le nôtre ne nous autorise à prédire le devenir des enfants quel que soit le couple qui les élève. La pratique psychanalytique nous enseigne depuis longtemps que l’on ne saurait tisser des relations de cause à effet entre un type d’organisation sociale ou familiale et une destinée psychique singulière.
De plus, la clinique de nombre d’entre nous avec des enfants de couples « homosexuels » atteste que ce milieu parental n’est ni plus ni moins pathogène qu’un autre environnement.
Il n’est pas inutile non plus de faire un retour aux prises de position de Freud concernant l’homosexualité. Pour s’en tenir, par exemple, aux toutes premières années de la naissance de la psychanalyse (1896), Freud signa une pétition initiée par le médecin et sexologue allemand Magnus Hirschfeld (1897) demandant l’abrogation du paragraphe 175 du code pénal allemand réprimant l’homosexualité masculine (recueillant plus de 6 000 signatures dont celles aussi de Krafft-Ebing, Andréas-Salomé, Zola, Rilke, Mann et Einstein).
Aussi nous tenons à rendre publique notre position et ces éléments de réflexion dans le cadre du débat national qui est engagé.