L’actualité franco-suisse a été particulièrement riche ces derniers mois. C’est l’occasion pour Alain Soral, essayiste et fondateur de l’association « Égalité & Réconcilation », de s’exprimer avec la liberté de parole qui est la sienne et qui lui a valu d’être exclu de la sphère médiatique en France.
Alimuddin Usmani : Outre la nationalité française, vous possédez également la nationalité suisse. Quel rapport entretenez-vous avec notre pays ? Votre nom de famille est-il lié à la commune genevoise de Soral qui jouxte la frontière française ?
Alain Soral : J’ai la double nationalité française et suisse, mais je ne suis suisse que par le droit du sang, puisque si une partie de mes ascendants provient du Canton de Genève, et de Soral plus précisément, je n’ai jamais vécu en Suisse.
De père et de mère, je suis d’abord savoyard, et en tant que Savoyard pris entre France et Suisse, je dirais que ma relation à la France est plus affective et ma relation à la Suisse plus réfléchie. Pour me situer entre ces deux nationalités, je penserais en toute modestie à mon illustre prédécesseur Jean-Jacques Rousseau, devenu grand Français parce que Suisse d’origine !
Dans votre essai Comprendre l’empire, paru en 2011 et qui n’a pour l’instant pas bénéficié de promotion de la part des médias institutionnels, vous dénoncez ce que vous appelez l’Oligarchie bancaire. Selon-vous quel est le rôle joué par la place financière suisse au sein du système économique mondial ?
Il me semble que c’est aujourd’hui un rôle périphérique. Le cœur de l’oligarchie bancaire, c’est Wall Street, la City et les paradis fiscaux qui sont dans leur sphère d’influence, à savoir le système bancaire anglo-saxon. Dans le monde tel qu’il va, soit le processus mondialiste en cours piloté par les États-Unis, il me semble que le destin de la place financière suisse soit plutôt d’être progressivement marginalisée, notamment par la fin du secret bancaire imposée à elle et à elle seule…
Les relations franco-suisses ont été marquées cette année par l’affaire Cahuzac, qui a admis détenir un compte en Suisse. Le gouvernement de François Hollande a-t-il perdu toute crédibilité en matière de dénonciation d’évasion fiscale de ressortissants français en Suisse ?
Depuis François Mitterrand et le tournant de la rigueur qui remonte à 1983, le socialisme du Parti socialiste est une escroquerie. Si vous regardez l’origine des ministres clefs du gouvernement socialiste actuel, aucun ne provient de la classe ouvrière. La différence entre nos bourgeois de gauche PS, style Pierre Bergé, et nos bourgeois de droite UMP, style Serge Dassault, ne se fait plus que sur des questions sociétales comme le droit des homosexuels… Le nombre de comptes en Suisse doit donc être à peu près équivalent des deux côtés, et tout ces verbiages moralisateurs font bien rire les Français qui n’ont pas les moyens d’en avoir un !
L’année prochaine le peuple suisse va à nouveau se prononcer sur une question migratoire. L’initiative « Contre l’immigration de masse » veut redonner à la Suisse les pleins pouvoirs pour réguler l’accès à son territoire en gérant « de manière autonome » l’immigration des étrangers. Cette initiative devrait permettre notamment de limiter le nombre de travailleurs frontaliers en Suisse. Certains partis politiques comme le Mouvement des citoyens genevois (MCG) dénoncent régulièrement la présence trop massive de frontaliers français à Genève. Quel est votre regard sur cette initiative ?
Je trouve normal qu’une nation souveraine puisse décider de sa politique migratoire, et ce en fonction de l’intérêt de son peuple. La Suisse a la chance de ne pas être dans l’Union européenne et d’avoir encore ce pouvoir régalien. Il est normal et même vital pour elle qu’elle en use, et nous, Français, ne pouvons que la comprendre et l’envier, même si une telle politique patriote porte atteinte aux avantages de quelques milliers de frontaliers, dont ma propre mère qui, habitant Annemasse, travailla à Genève une bonne partie de sa vie…
En 2011, vous avez débattu pendant près de deux heures avec Oskar Freysinger, figure bien connue de l’UDC sur des questions civilisationnelles [1]. Vous divergez notamment avec Freysinger sur le danger que représenterait l’islam à l’égard des sociétés européennes. Quel message souhaitez-vous adresser à l’électeur suisse qui pense que l’islam est un danger majeur pour son mode de vie ?
Je pense que le problème n’est pas l’islam mais l’immigration. Reprenez le contrôle de l’immigration et l’islam cessera d’être un problème ! Or, je constate que ceux qui critiquent l’islamisation, au nom de la laïcité, sont souvent les mêmes qui sont pour l’immigration au nom de l’universalisme maçonnique et de l’intérêt patronal bien compris – les deux allant d’ailleurs souvent de pair. Il y a là plus qu’une contradiction : une malhonnêteté. C’est contre cette escroquerie politique qu’il faut lutter, en Suisse comme en France, plutôt que d’insulter ces musulmans qu’on fait venir en masse et qu’on pousse ainsi à se radicaliser…
Dans vos prises de position publiques vous dénoncez régulièrement la mainmise du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) et de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) sur la vie politique française. En Suisse, Pierre Weiss, le vice-président de la LICRA Genève qui est également président de l’Association Suisse-Isräel et député, souhaite interdire le voile à l’école [2]. Que vous inspire son initiative ?
Qu’elle est du même ordre de perversité que celle que je viens de dénoncer dans ma réponse précédente. Ce n’est pas à une communauté religieuse ultra-minoritaire, d’origine étrangère et faisant allégeance à un pays étranger, Israël, de dicter à la majorité sa politique en matière de tolérance religieuse. Surtout quand cette minorité passe son temps à demander à l’État laïc des dérogations et des passe-droits sur des questions religieuses et communautaires. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que cette attitude illégitime et perverse finira par se retourner, par la faute de ses dirigeants, contre la communauté juive toute entière, comme ça a souvent été le cas par le passé. Je suis d’ailleurs étonné que des gens prétendument si intelligents aient autant de mal à le comprendre…
Un fait divers pour terminer cette interview : la présentatrice américaine Oprah Winfrey vient de lancer une polémique à l’égard de la Suisse. Elle affirme avoir été victime de racisme dans une boutique zurichoise en voulant acheter un sac à 35 000 dollars [3]. Quel commentaire faites-vous de cet épisode ?
Que le combat antiraciste ne veut décidément plus dire grand chose aujourd’hui, tant il a été vidé de tout contenu sérieux par ce genre de mondaine manipulatrice. Cette dame évoque à l’évidence bien plus l’arrogance de l’oligarchie mondialiste que la souffrance noire, et pour le bien même de l’antiracisme, il serait bon qu’elle en prenne conscience quand elle s’adresse de façon aussi peu diplomate au petit peuple suisse.