La Russie et ses partenaires occidentaux se sont réunis à Kiev dans le cadre d’un sommet de l’OSCE, écrit vendredi le quotidien Izvestia.
Les représentants de l’administration américaine semblent s’abstenir de commentaires sévères envers les autorités ukrainiennes. Le Washington Post a d’ailleurs publié une déclaration de John Kerry expliquant que la destitution du président ukrainien Viktor Ianoukovitch ne ferait qu’aggraver la crise qui secoue le pays.
Compte tenu du silence de Barack Obama concernant les protestations ukrainiennes et les déclarations très réservées de Kerry, certains experts ont l’impression que contrairement à 2004 les Américains ne s’ingéreront pas dans la crise ukrainienne, voire qu’aujourd’hui l’Ukraine ne fait plus partie de leur sphère d’intérêts.
Malheureusement pour la Russie, ce n’est pas le cas.
En effet l’annulation de la visite prévue de Kerry en Ukraine au profit d’un voyage en Moldavie n’a été annoncée que le 3 décembre. Lors de sa brève visite à Chisinau, le secrétaire d’Etat a fait l’éloge du vin local et a souhaité bonne chance au pays pour son intégration européenne.
Au sujet des manifestations en Ukraine, Kerry a déclaré que la violence n’avait pas sa place dans un pays moderne et a appelé les autorités ukrainiennes et l’opposition à s’unir dans leurs efforts.
Politicien rationnel, Kerry a conscience du fait qu’un soutien actif aux manifestants ukrainiens pourrait se conclure par une humiliation - or sa visite à Kiev aurait été un signe de soutien.
La probabilité que le président Ianoukovitch change d’avis et revienne sur le chemin de l’intégration européenne n’est pas suffisamment grande pour que la Maison blanche risque d’égratigner son autorité pour une question telle que l’intégration européenne de l’Ukraine.
Selon Adam Ramey, professeur de l’université de New York à Abu Dhabi, Victoria Nuland ne soulèvera pas à Kiev le thème du respect des droits de l’homme au sujet des manifestants : au nom des USA elle cherchera à persuader Ianoukovitch de revenir vers l’intégration européenne, en promettant ce que l’Union européenne ne pouvait pas lui garantir - un large soutien économique, une aide directe (Foreign Aid), l’adhésion accélérée de l’Ukraine à l’Otan et la protection militaire sous l’égide de cette organisation.
Si l’Ukraine faisait finalement son choix au profit de l’Union européenne, Kerry et Obama prendraient leur revanche sur la Russie pour leur défaite diplomatique en Syrie. Si ce n’était pas le cas, les deux seraient indemnes car aucun n’a prononcé de déclaration publique ou entrepris de mesures actives sur ce dossier. C’est certainement la meilleure tactique pour la Maison blanche dans les circonstances actuelles.
En dépit de toutes les déclarations d’Obama sur l’absence de "Cold War legacy" (ou "héritage de la Guerre froide") dans sa politique étrangère, cette mentalité n’a toujours pas complètement disparu au sein de l’administration américaine. Cela concerne notamment Kerry, dont la vision du monde et de la politique s’est formée dans les années 1980.
Par conséquent l’Ukraine demeure une zone fondamentale des intérêts particuliers des Etats-Unis, qui chercheront à utiliser l’Ukraine comme contrepoids à l’influence internationale croissante de la Russie.
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