À cause de la grande distribution et de la voiture individuelle, les villes se meurent : les commerces sont désertés et la population est paupérisée. Dans son nouveau livre, Olivier Razemon raconte comment on en est arrivé là et quoi faire pour redresser la barre. Reporterre publie des bonnes feuilles de Comment la France a tué ses villes.
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La crise urbaine s’aggrave d’année en année. L’alerte est donnée à la fois par les spécialistes du commerce et les élus locaux, qui constatent, de concert, la prolifération des vitrines vides. Depuis le début des années 2010, les témoignages abondent, les reportages fleurissent, les statistiques confirment. Dans la presse régionale comme dans les journaux télévisés, le thème de la ville sinistrée suscite de temps à autre « un sujet ». Les téléspectateurs découvrent le triste sort de ces commerçants et artisans qui décalent de mois en mois le paiement de leurs factures, et n’osent pas l’avouer à leur entourage.
On se penche alors sur le malaise de ces entrepreneurs, prompts à attribuer leurs difficultés, pêle-mêle, aux taxes, aux impôts, à la complexité des normes, aux difficultés d’embauche, aux charges sociales et à la concurrence d’Internet. En janvier 2014, à Breteuil (4 500 habitants, Oise), des restaurateurs, buralistes, coiffeurs, boulangers, tous installés dans le centre-ville, installent des planches en forme de cercueil sur le devant de leur boutique. « Ceci est l’avenir de vos commerçants » puis, en lettres capitales, « morts pour la France », peut-on lire sur le bois verni. En quelques semaines, la « mode » des cercueils se répand dans d’autres villes du département et jusque dans la préfecture régionale, Amiens. Les médias évoquent alors le « ras-le-bol fiscal ».
À l’approche des élections municipales de 2014, les reportages dans les villes convoitées par le Front national racontent à peu de choses près la même histoire. À Perpignan, Fréjus (Var), Hayange (Moselle) ou Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), le centre-ville est « à l’agonie », constatent les journalistes. Les caméras filment les stores baissés, les trottoirs délabrés, les détaillants désespérés et le maire sortant qui avoue son impuissance. « Dans le centre vivent ceux qui n’arrivent pas à accéder à des logements sociaux faute de places disponibles ; ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter une voiture », peut-on lire dans Le Monde à propos de Hayange. L’accumulation de ces images finit par dresser un constat : en France, les villes meurent.