C’est le titre d’un article du Monde de ce vendredi 5 mai 2017. Ceux qui se souviennent de la campagne intense du journal des Marchés en faveur d’Hillary Clinton pourraient être surpris : comment se réjouir de succès de Trump alors qu’on le traînait dans la boue auparavant ?
C’est simple : depuis le 20 janvier, date de sa prise de fonction, Donald Trump a essayé d’imposer sa ligne à l’establishment. Dans cette entreprise, il n’a pas complètement réussi, ni échoué. Tout est en cours, et on ressent de France les ondes de choc de l’impitoyable bataille que se livrent les néoconservateurs et le nouvel arrivant. Trump a la main sur une partie de l’exécutif, mais les neocons tiennent fermement l’État profond et ce, depuis plus d’un demi-siècle, soit la mort de JFK.
Concrètement, la réforme de santé qui détricote l’Obamacare est passée à la Chambre des représentants. Sur la Syrie et l’OTAN, les options de Trump n’ont pour l’instant pas infléchi la politique d’agression tous azimuts des faucons du lobby militaro-industriel. Pour cette réforme, et pour une fois, Trump a été soutenu par « son » parti, qui n’est pas vraiment son parti, tant les Républicains historiques se sont opposés à la montée de ce trublion populiste. Il y a deux mois, l’abrogation de l’Obamacare s’était heurtée à un non de la part du Congrès.
Cependant, la grande réforme en cours du 43e président des USA, c’est la baisse massive des impôts. L’idée est de faire repartir la croissance, même si l’économie américaine montre déjà des signes de reprise, avec 422 000 emplois gagnés ce mois-ci et un chômage en dessous des 5%. Mais avec 35 à 50 millions de pauvres, le problème social est loin d’être résolu. Trump entend faire des économies sur l’aide sociale pour réinjecter l’argent public dans l’économie réelle. Pas dans la finance. C’est en quelque sorte un pari de relance keynésienne par le haut.
Le Monde pointe justement un paradoxe dans ce vote congressiste : un sondage réalisé parmi les habitants de la Rust Belt, qui réunit les vieux États industriels, donne la réforme majoritairement impopulaire, alors que ce sont justement ces électeurs qui ont voté pour Trump. Qui leur promettait le retour de l’emploi industriel sur le sol américain. Entreprise de démondialisation en cours...
Globalement, cette victoire ou cette avancée trumpienne vient compenser ses blocages ou ses échecs en matière de politique extérieure, où il a visiblement été dépassé par ses faucons sionistes. Son gendre Jared Kushner symbolise à lui tout seul le virage interventionniste et pro-israélien de la politique extérieure américaine, qui ne colle pas avec le programme et les promesses de campagne du président. On peut donc penser que l’État profond a laissé le champ libre à Trump à l’intérieur, qui a cédé presque sur l’essentiel à l’extérieur. L’OTAN n’est en effet pas dévitalisé, la flotte US met la pression sur la Chine, le respect de la souveraineté syrienne n’est plus à l’ordre du jour, et Poutine n’est plus l’alter ego du président américain.
Cependant, les Américains n’ont pas encore pulvérisé la Corée du Nord, envahi la Syrie, et bombardé les villes russes. Le bras de fer à la tête du gendarme du monde, le complexe processus de décision et les contradictions visibles de la politique mondiale du géant américain sont le signe d’une lutte sourde entre factions. Le pouvoir n’est pas acquis à Trump, mais pas totalement à l’État profond. Y aura-t-il partage des domaines sur le mode « à nous le monde, à toi l’Amérique » ? Négociation ? Pacte de non-agression au sommet ? L’avenir le dira, et peut-être le proche avenir, puisque trump va successivement aller en Arabie saoudite, en Israël et au Vatican.