Dieudonné a été condamné, mercredi 18 mars, à deux mois de prison avec sursis pour apologie du terrorisme. Le 11 janvier dernier, le polémiste avait déclaré sur sa page Facebook qu’il se sentait "Charlie Coulibaly". Que penser de cette condamnation ? Pour François Lamarre, étudiant en droit et Gaëlle Audrain-Demey, doctorante en droit, elle est hautement contestable.
Le 11 janvier dernier, alors que la France et une partie du monde descendait dans la rue pour défendre la liberté d’expression, Dieudonné se faisait remarquer une fois de plus par un statut posté sur Facebook, qui détournait le slogan-symbole Je suis Charlie, en y juxtaposant le nom du preneur d’otages de la Porte de Vincennes.
Des propos provocants mais pas dangereux
Il convient – et comme cela est trop rarement fait – de remettre ses mots dans leur contexte. Une procédure ayant été immédiatement engagée à son encontre pour apologie d’actes de terrorisme, Dieudonné avait déclaré devant le tribunal correctionnel condamner « sans aucune retenue et sans aucune ambiguïté » les attentats du 7 janvier.
Il avait ensuite affirmé avoir manifesté auprès du ministère de l’Intérieur sa volonté de participer à la marche du 11 janvier. Sa demande étant, selon ses dires, restée lettre morte, il se serait senti personna non grata, « exclu » et traité « comme un terroriste ».
Il avait donc réagi sur son profil Facebook, qualifiant la marche républicaine d’« instant magique égal au big-bang qui créa l’univers ». Mais il avait poursuivi – et c’est là que le scandale arrive – par ces mots :
« Ce soir, je me sens Charlie Coulibaly. »
Au regard du contexte et des explications constantes de l’intéressé, on conviendra que bien que provocants, ces propos sont loin d’être aussi dangereux que cela a pu l’être soutenu. En aucun cas, ils ne devraient être rapprochés de ceux, véritablement scandaleux, qui lui ont déjà valu plusieurs condamnations.
Une condamnation qui touche la liberté d’expression
D’un point de vue purement juridique, la décision du 18 mars, qui le condamne à deux mois de prison avec sursis, est hautement contestable. L’article 421-2-5 du Code pénal dispose que le fait de faire publiquement l’apologie d’actes de terrorisme est puni de sept ans d’emprisonnement et de 10 000 euros d’amende, lorsque cela a été fait en utilisant un service de communication au public en ligne.
Faire l’apologie du terrorisme, si l’on en croit tout dictionnaire, c’est soutenir ces actions, les justifier, les valoriser, souhaiter leur renouvellement, sans aucune ambiguïté. Or les propos de Dieudonné, courts, vagues, expliqués de manière non-haineuse par l’intéressé, ne constituent pas une apologie.
Il est difficile d’en retirer sans mauvaise foi une interprétation certaine. Ils peuvent certes être considérés comme choquants, mais la justice n’a pas vocation à réprimer le cynisme ou l’ironie.
Si cette condamnation repose sur l’apologie du terrorisme, elle touche de très près à la liberté d’expression, et aux limites qui doivent ou ne doivent pas lui être fixées.