Des escrocs de haut vol frappent au cœur de grosses entreprises locales pour les siphonner de sommes faramineuses, généralement entre 400 000 et plus de 2 millions d’euros.
Haro sur les faux virements bancaires ! Pas moins de six grosses entreprises de la région Champagne-Ardenne ont été la cible de réseaux mafieux internationaux spécialisés dans ces arnaques de haut vol, en l’espace de deux mois. La série débute courant septembre avec une tentative d’escroquerie à 400 000 euros, déjouée in extremis, au préjudice d’une société immobilière marnaise de premier plan. La dernière arnaque de cet acabit s’est jouée au début du mois de novembre dans le ressort du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne.
Les aigrefins entrent en contact avec le service comptable d’une société agricole. Comme à leur habitude, ils usent d’une fausse qualité pour se mettre dans la peau d’un proche du PDG. Cette fois, l’inconnu se fait passer pour l’avocat parisien de la société agricole. Il s’adresse à une employée du service comptable au moyen d’un coup de fil doublé d’un message électronique.
Comme toujours, il est fait état du caractère éminemment secret de la transaction. L’employée ne doit surtout pas en parler au responsable financier. L’escroc dispose d’un téléphone filaire français et d’une adresse « gmail » quasi-identique à celle du PDG. La signature est parfaitement imitée et l’ordre de virement est à en-tête d’une banque danoise pour garantir le sérieux de l’opération.
L’empire du Milieu
La supercherie fonctionne à merveille. La comptable marnaise fait le nécessaire auprès d’un grand établissement bancaire de la place pour virer la bagatelle d’environ 800 000 euros. La banque ne s’est pas posée de question. « Alors que les règles sont très strictes pour les particuliers, les protocoles bancaires le sont beaucoup moins dès qu’il s’agit de clients professionnels », commente un spécialiste. Et tandis que les fonds sont déjà transférés sur un compte ouvert au Danemark, la comptable s’apprête à faire un second virement pour un montant de 1,4 million d’euros. Par chance, une petite lumière s’allume dans un coin de son cerveau. Elle fait part de ses doutes au responsable financier qui alerte, illico presto, le procureur de la République de Châlons-en-Champagne. Christian de Rocquigny saisit le SRPJ de Reims de toute urgence. Pour les policiers, une véritable course contre la montre s’engage.
Le commissaire divisionnaire Jean-Philippe Fougereau connaît parfaitement les ficelles de ces réseaux mafieux. Ironie du sort, le patron de la PJ avait organisé une conférence sur ce thème pour alerter les entrepreneurs de la région lors de la foire de Châlons en 2012. Jean-Marc Souvira, directeur de l’Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) avait alors livré les ficelles de l’arnaque aux faux ordres de virement, plaie d’une économie déjà bien fragilisée.
Les cerveaux en Israël
Les « financiers » de la PJ, épaulés de l’OCRGDF, parviennent finalement à rattraper les quelque 800 000 euros de la société agricole marnaise au vol. Par le biais d’Interpol, la banque danoise a eu confirmation à temps que la transaction était bien illégale et elle a accepté de bloquer l’argent. Une belle interception, puisque les fonds étaient sur le point de repartir sur un autre compte bancaire ouvert dans l’empire du Milieu. « La destination est généralement la Chine, souvent Wenzhou, mais ils procèdent par rebond avec un pays d’Europe qui attire moins les soupçons », commente un policier. « Les sommes sont ensuite décaissées par des petites mains avant de repartir auprès des cerveaux de l’organisation, en Israël », précise un autre. Mais aucun d’eux n’aura jamais mis les pieds en France.