De 1809 à 1917, le Grand Duché de Finlande était une composante de la Russie impériale. Les choses changèrent à la faveur de la révolution bolchévique, à l’issue de laquelle Helsinki obtint son indépendance.
Pour autant, l’année suivante, le pays fut déchiré par une guerre civile, encouragée par la Russie soviétique. En 1939, l’URSS de Staline attaqua la Finlande (guerre d’Hiver) pour en raison de désaccords territoriaux concernant des îles du golfe de Finlande. Seulement, les Finlandais résistèrent mieux que ne l’avait imaginé le maître du Kremlin et un traité de paix fut conclu en 1940, aux termes duquel Moscou obtenait l’isthme de Carélie en échange de son engagement à ne pas envahir le reste du pays.
Pour autant, cet accord n’empêcha pas un nouveau conflit en 1941 (guerre dite de Continuation), alors que l’Allemagne venait de lancer l’opération Barbarossa. Ce furent les Finlandais qui passèrent à l’offensive, avec un soutien allemand. Mais devant les revers des armées nazies, un nouvel armistice est finalement signé en septembre 1944.
Ce texte prévoyait le départ des troupes allemandes de Finlande. Mais ces dernières n’en firent rien et se dirigèrent vers la Laponie pour y protéger les mines de nickel. D’où le retournement d’alliance opéré par Helsinki, qui entra en guerre contre l’Allemagne (Guerre de Laponie). C’est ainsi que les Finlandais purent conserver leur indépendance à l’issue du conflit.
Par la suite, Helsinki adopta, en matière de politique étrangère, une relative retenue à l’égard de son voisin soviétique, ce qui se traduisit par le respect d’un stricte neutralité pendant la Guerre Froide. C’est ce qui explique les raisons pour lesquelles l’armée finlandaise a été équipée aussi bien par du matériel russe qu’américain et européen.
Maintenant que l’URSS a implosé, la Finlande, désormais membre de l’Union européenne, pourrait intégrer l’Otan, comme son voisin suédois, ou du moins s’en rapprocher. Rien n’est fait, bien évidemment, mais la question a été posée à Helsinki. Et, comme l’on peut s’en douter, ce n’est pas dans le goût de Moscou. En outre, le gouvernement finlandais s’est montré critique à l’égard de la Russie pour le rôle qu’elle joue en Ukraine.
C’est donc dans ce contexte que des avions militaires de transport militaire et/ou de surveillance russes ont commis des violations répétées, le 20 mai dernier, de l’espace aérien finlandais.
La première intrusion a eu lieu à 17h06 et a duré 3 minutes. La seconde a lieu 50 minutes plus tard et l’appareil russe en cause est resté 6 minutes dans l’espace aérien finlandais. Des F-18 Hornet des forces aériennes finlandaises étaient bien en patrouille ce jour-là. Seulement, ils n’ont pas pu identifier formellement les avions en question. D’ailleurs, cela fait polémique à Helsinki, le ministre de la Défense, Carl Haglund, devant s’en expliquer.
Pour le moment, faute d’ « identification formelle », les autorités finlandaises ont suspendu leur enquête sur ces incidents jusqu’à ce que le ministère des Affaires étrangères puissent obtenir des informations de la part de Moscou.
En attendant, ces violations répétées de l’espace aérien finlandais suscitent des commentaires différents, qui s’expliquent sans doute par l’attitude d’Helsinki pendant la Guerre Froide.
Ainsi, plusieurs responsables politiques et militaires ont relativisé ces incidents, quand ils ne les excusent pas, parlant d’erreur de navigation des avions russes… Le général Ari Puheloinen, le chef d’état-major finlandais en a minimisé l’importance, estimant qu’il ne fallait pas en tirer des conclusions définitives avant d’avoir tous les éléments en main…
Pour d’autres, si cette explication peut être avancée pour un cas, elle ne peut pas l’être pour le second. « La deuxième intrusion est particulièrement grave », a ainsi estimé Timo Soini, président de la commission des affaires étrangères du Parlement finlandais.
En tout cas, la coïncidence est troublante car, le même jour, l’armée finlandaise effectuait des manoeuvres interarmées de grande ampleur…
Ancien président finlandais (1994-2000) et ex-envoyé spécial de l’ONU au Kosovo, Martti Ahtisaari a supposé que ces intrusions russes ont liées aux tensions avec l’Ukraine et à la position critique adoptée par Helsinki à l’égard de Moscou. « J’espère qu’il y aura des excuses à ce sujet. Des incidents tels que ceux-ci exigent des explications et un enquête. On est droit de se demander si de tels événements se produisent tout simplement à cause d’erreurs de navigation ou si la Russie ne met pas en quelque sorte à l’épreuve nos capacités et nos moyens de défense », a-t-il dit.
« Nous prenons les violations de l’espace aérien au sérieux, et nous demandon une explication à la Russie. Nous espérons que les incidents ne sont pas liés en aucune façon à la situation en Ukraine », a commenté, de son côté, Carl Haglund.