Si vous regardez de près la propagande électorale que vous allez recevoir dans votre boîte aux lettres pour les élections européennes du 25 mai prochain, vous constaterez que la question de la « défense européenne », dont les mérites sont vantés par beaucoup, est y quasiment absente.
Au moins quatre formations politiques en parlent, ce qui est peu au vu du nombre de listes qui sollicitent les suffrages des électeurs. Il faut « promouvoir une Europe de la défense » pour le Parti socialiste et les Parti radical de gauche. Pour l’UMP, il s’agit d’avoir « une Europe de la défense et de la sécurité, capable de défendre nos intérêts, nos valeurs et d’assurer notre sécurité notamment face aux menaces terroristes ».
L’UDI et le Modem, qui font cause commune, veulent des « moyens renforcés pour la défense européenne et une agence de cyber-défense pour mieux protéger la confidentialité des données » (et non pour éviter des attaques informatiques ?). Enfin, « Nous citoyens », une jeune organisation fondée par l’entrepreneur Denis Payre, parle de « développer une politique étrangère commune (bon courage…), avec une capacité d’intervention militaire (qui est censée déjà exister) et une mutualisation de nos industries de défense ».
Mutualiser les moyens… Voilà une affirmation souvent entendue au cours de ces dernières années, notamment pour tenter d’apporter une réponse à la baisse des dépenses militaires au sein des pays membres de l’Union européenne. Union européenne qui, au passage, et malgré ses « Groupements tactiques », n’a pas été en mesure d’envoyer ne serait-ce que l’équivalent d’un gros bataillon en Centrafrique pour épauler la force Sangaris. Et encore, avec un fort contingent français et l’apport de la Géorgie, qui n’en fait pas partie…
Bref, pour mutualiser, encore faut-il avoir quelque chose à mettre au pot commun, comme le montre l’une des rares et récentes avancées de la défense européenne avec l’EATC (European Air Transport Command). Car, les mathématiques étant implacables, on peut toujours additionner zéro à tout ce que l’on voudra, le résultat ne changera jamais. Et au rythme où vont les choses, l’on voit mal ce que certaines armées européennes, qui ont vu non seulement leurs formats diminuer drastiquement ainsi que leurs budgets dédiés aux équipements au point que ce ne sont plus les muscles l’on fait fondre mais les os que l’on enlève, pourraient apporter…
Tel est le cas de l’armée autrichienne, qui a vu ses budgets fondre au cours de ces dernières années, l’obligeant ainsi à remiser plus de la moitié de sa flotte de véhicules blindés. Certes, il était question de la professionnaliser afin de la rendre plus efficace, malgré un format réduit. Seulement, les électeurs autrichiens ont exprimé un avis contraire en se prononçant pour le maintien de la conscription lors d’un référendum.
Cela étant, la cure d’austérité a été si sévère que le ministre autrichien de la Défense, Gerald Klug, a récemment affirmé à la presse que le budget dont il a la charge « n’est plus viable financièrement » au point que la Bundesheer ne devrait plus en mesure de payer ses factures de carburant l’automne prochain. Quant aux crédits d’équipements, ils sont inexistants cette année, ce qui signifie qu’elle « ne pourra même se permettre de remplacer un piquet de tente cassé », comme l’a relevé le journal Kurier.
D’après The Local, la remise à niveau des hélicoptères Black Hawk est en outre fortement compromise (ce qui fait craindre un retrait du service plus tôt que prévu) et les réparations de nombreux véhicules ont été mises en attentes. Quant aux forces aériennes autrichiennes, elles disposent bien de 15 Eurofighter Typhoon… Mais pour seulement 12 pilotes car les fonds manquent pour en entraîner et en former davantage.
Autre armée européenne, celle de la Belgique. Au cours de ces dernières années, elle a vu ses effectifs fondre comme au neige au soleil à mesure que s’ajoutaient les coupes budgétaires. Estimant que les économies étaient allées trop loin (notamment dans « des domaines où il n’y a plus de gras », avait-il dit), le chef d’état-major de la défense belge (CHOD), le général Charles-Henri Delcour, avait démissionné de ses fonctions en 2012. Ce qui n’a pas empêché un nouvel effort de 382 millions d’euros pour les deux années suivantes.
Du coup, l’armée belge n’a pas remplacer ses véhicules les plus anciens, comme ses Volkswagen Iltis et le quotidien de ses personnels est rendu plus difficile dans la mesure où il n’est pas possible de trouver des marges de manoeuvres dans les dépenses d’équipements.
Ainsi, dans les colonnes du quotidien Het Laatste Nieuws, un responsable du syndicat SLFP Défense, Erwin De Staelen, s’est dit inquiet des nouvelles mesures d’économies prises aux dépens des coûts de fonctionnement, en particulier ceux concernant l’énergie et l’eau. « Des militaires sont même obligés de prendre congé, comme ça la Défense peut fermer pendant au moins une semaine le chauffage lorsqu’il fait froid », a-t-il affirmé.
Et dans certains quartiers, il y a des problèmes d’hygiènes étant donné que les douches sont fermées. « les seuls endroits accessibles pour qu’ils se lavent sont de plus en plus souvent dans les complexes sportifs », rapporte Het Laatste Nieuws. « Les militaires ont pourtant les mêmes droits que les autres travailleurs dans ce pays. Mais on écrase ces droits sous prétexte qu’ils ne peuvent pas faire grève. Ce n’est plus possible », a estimé Erwin De Staelen.
Et tout ça pour quoi ? Dans son avis sur le programme de stabilité de la Belgique, le Conseil supérieur des Finances (CSF) a notamment invité le gouvernement belge à reporter d’un an (c’est à dire en 2017) le retour à l’équilibre budgétaire et prévoit une réduction de la dette à 60% du PIB en 2013 et à 45% en 2050… Avec ou sans défense ?