L’Indien Rajendra Pachauri démissionne de son poste de directeur du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qu’il aura occupé de 2002 à 2015, afin d’être à la disposition de la justice de son pays, suite à une accusation de harcèlement sexuel au sein de l’institut qu’il dirige.
L’affaire est sortie dans un journal indien il y a environ une semaine : une femme de 29 ans, employée de l’institut de recherche indien TERI, accuse son patron, le directeur général Rajendra Pachauri, de harcèlement sexuel via de nombreux SMS et autres courriels durant ces deux dernières années. M. Pachauri nie les faits, arguant que son téléphone et sa messagerie ont été piratés. Des contacts physiques forcés auraient aussi eu lieu. Le président du GIEC a démissionné hier, 24 février, afin d’être disponible pour la justice de son pays et de ne pas gêner les travaux de l’organisme onusien, qui « a besoin d’une direction forte, du temps et de l’attention pleine et entière de son président dans un avenir immédiat », ce qu’à l’évidence il ne pouvait plus fournir.
Les prochaines réunions préparatoires à la grande conférence sur le climat, qui se tiendra à Paris en fin d’année, devront donc se passer de lui, à commencer par celle qui débutera bientôt au Kenya.
La réputation de l’ex-président du GIEC était déjà ternie par nombre d’épisodes peu glorieux. Cet ingénieur des chemins de fer et docteur en économie, que la presse française se plaît à présenter comme un climatologue, a maintes fois démontré qu’il n’était pas un fervent défenseur de la vérité et que la promotion de sa personne et de ses intérêts bien compris avait toute son attention.
En marge de sa tentative de faire accroire qu’il avait deux doctorats et qu’il était, aux côtés d’Al Gore, récipiendaire du très peu scientifique mais ô combien politique prix Nobel de la paix, lors même que c’est l’institution qu’il représentait qui était distinguée et non ses membres, c’est surtout sur la question des glaciers himalayens que Rajendra Pachauri avait attiré les critiques. Face à l’alarmisme du GIEC, le gouvernement indien avait commandé un rapport indépendant à l’un de ses chercheurs, spécialiste de l’Himalaya. La conclusion n’avait pas plu à Pachauri, qui tout à la fois qualifia le gouvernement de son pays d’« arrogant » et le travail réalisé par le chercheur de « science vaudou ».
Après cette première affaire des glaciers himalayens, une seconde survint lorsqu’il apparut que le rapport du GIEC de 2007 annonçait leur fin pour 2035. Non pas une simple faute de frappe, comme nous l’a expliqué la presse française, mais la mise en évidence que le GIEC avait suivi les conclusions d’une étude bidonnée du WWF, indiquant bien cette même date, qu’elle reprenait, en l’inversant, d’une étude concernant l’ensemble des glaciers du monde, pôles exclus, qui auront tous disparus à l’horizon 2350 si la dynamique actuelle devait se poursuivre.
Les dénégations, puis le haussement d’épaules de Pachauri n’avaient guère ému les journalistes en France, où cette histoire a été minimisée, comme toutes les autres, mais de nombreux appels à la démission avaient alors été lancés dans le monde anglo-saxon, y compris par des personnalités très impliquées dans la défense de l’environnement.
Rajendra Pachauri a également été vivement critiqué pour ses conflits d’intérêt, entachant à juste titre l’impartialité que l’on est en droit d’attendre du président d’un tel organisme international. On le retrouve en effet, aux côtés d’Al Gore, au conseil d’administration du Chicago Climate Exchange (CCX), premier marché d’échange des droits à polluer (dont les statuts ont été rédigés par le jeune avocat Barack Obama). Il prodigue ses conseils en environnement à un nombre considérable d’organismes et d’entreprises. Certes à titre privé, mais grâce à l’aura dont il bénéficie en tant que président du GIEC. Il profite également largement du contexte de lutte contre le réchauffement en tant que directeur général de The Energy and Resources Institute (TERI), anciennement Tata Energy Research Institute, créé grâce à une dotation du groupe industriel indien Tata. Cet institut de recherche indépendant œuvre dans le domaine de l’environnement, de l’énergie et du développement durable et a obtenu des subventions pour mener des recherches sur les glaciers himalayens en brandissant le risque – infondé, on l’a vu – de leur possible disparition en à peine une poignée de décennies. Quant au glaciologue sur les déclarations duquel s’est construite cette prévision erronée du GIEC, il a rapidement pris la direction de l’unité de glaciologie de TERI...
Avec le temps dont il dispose dorénavant, Rajendra Pachauri envisagera-t-il une suite à son roman à l’eau de rose, où un vieux monsieur séduit de jeunes femmes en admiration et inflige au lecteur des scène torrides dans un réchauffement anthropique certain ? On peut en douter, même si son arrogance l’a conduit jusqu’à cette affaire à se croire inatteignable.
Quoi qu’il en soit, si quelque chose doit changer au GIEC, ce ne sera que le nom de son président. Pour le reste, soyons sûrs que la science n’y sera pas plus invitée qu’avant.