Une sortie, ou une dissolution, de la zone Euro marquerait une rupture fondamentale avec le contexte économique, mais aussi le contexte institutionnel qui domine en France depuis le début des années 1990. Si l’Euro a eu des effets directs extrêmement nocifs sur l’économie française, ses effets indirects ont été probablement encore plus nocifs et ont été multipliés par l’effet dépressif général joué par la zone Euro. La France n’a pas été épargnée par le second choc des années 1990, choc qui correspond à la mise en place de l’Union économique et monétaire symbolisée par l’euro. Il a été marqué par la stagnation des salaires réels liées au chômage de masse de la fin de cette première phase, qui sera relayé par la politique dite du « franc fort » pour réunir les conditions d’entrée dans la zone euro. Cette politique a provoqué environ un million de chômeurs supplémentaires en France et ce avant même que l’Euro ne devienne une réalité.
Cela implique qu’une sortie de l’Euro ne prend sens que si on aboutit à un changement radical de l’ensemble du cadre économique. En effet, si l’effet direct de la sortie de l’Euro serait important, mais limité dans le temps, la fin de la monnaie unique permettrait aussi, et peut-être surtout, de reconstruire un cadre économique qui serait orienté vers la croissance. Ce cadre doit poser la question de la ré-industrialisation de la France comme une priorité car les emplois industriels ont un effet d’entraînement extrêmement fort sur l’ensemble des autres emplois. Cela implique que la sortie de l’Euro ne peut être considérée uniquement du point de vue de la monnaie. Quelle que soit l’importance pour la France de retrouver sa monnaie, et donc de pouvoir le cas échéant piloter son taux de change, la fin de la monnaie unique est surtout importante parce qu’elle permettrait d’élaborer une nouvelle stratégie économique.
L’enjeu de la stratégie économique
Cet enjeu renvoie à la question de l’intégration générale de la politique monétaire dans une stratégie économique globale. L’effet d’une dissolution de l’Euro sera d’entraîner certaine monnaie à se déprécier et d’autres aux contraires à s’apprécier. On aura des effets positifs sur les pays dépréciant leur monnaie et des effets négatifs sur les pays connaissant une forte appréciation. L’élasticité, de la demande et de l’offre, doit donc être étudiées attentivement. On sait, par expérience, que cette élasticité n’est pas identique entre les pays, et qu’elle n’est pas stable mais dépend de l’ampleur de la dépréciation (ou de l’appréciation) de la monnaie. De ce point de vue, deux dépréciations de 10 % ne sont pas équivalentes à une dépréciation de 20 %. Il convient donc de préciser les ordres de grandeur de ces mouvements. Par ailleurs, si le volume de la demande peut décroitre dans un pays connaissant une forte appréciation de sa monnaie (l’Allemagne), le niveau monétaire de cette demande se réduira moins que le volume, en raison de l’effet d’appréciation.