La nuit est noire et seules quelques lumières scintillent au loin. Le visage crispé, Marie, l’une des rares femmes marins pêcheurs, tire de toutes ses forces sur le filet rempli de sardines du Spered Breizh, un bolincheur du Guilvinec (Finistère).
Malgré l’effort, Marie Rouffet, 46 ans, rayonne sous son ciré jaune. Une fois le poisson vidé dans le ventre du navire, elle ferme les yeux et inspire une profonde bouffée d’air iodé : « Je suis une femme comblée, heureuse ! »
« Quand t’es seule au milieu de la nuit, en pleine mer, avec tes collègues et ton poisson, c’est énorme. Je peux pas le raconter, c’est un truc de ouf », dit-elle après un court moment où seul le grognement du diesel vient bercer le silence de cette nuit de septembre au large des côtes bretonnes.
« J’ai toujours été passionnée par la mer, depuis toute petite », raconte-t-elle, sa longue natte brune s’échappant de sa capuche. Pourtant, Marie voit le jour à Chamalières, près de Clermont-Ferrand. Un 15 octobre 1969.
C’est son grand-père maternel qui transmet à sa fille, puis à sa petite-fille l’amour de la mer et de la pêche. « Il avait une grosse situation chez Michelin et venait souvent pêcher ici », raconte cette femme divorcée, mère de trois filles de 26, 12 et 7 ans et d’un garçon de 23 ans.
Pourtant jusqu’à ses 39 ans, elle reste en Auvergne et travaille comme aide-soignante à domicile, après un Bac L et deux années de droit. « Mais j’étais tout le temps triste », se souvient-elle.
En 2008, elle part donc 15 jours au Guilvinec « pour voir ». Elle réussit à embarquer comme passagère pour une campagne de pêche de plusieurs jours. « Là, je me suis dit que je voulais faire ça ».
« Il y a assez peu de femmes marins pêcheurs, c’est quand même un métier exigeant », explique Philippe Bothorel, directeur du lycée maritime du Guilvinec, qui forme chaque année quelque 180 futurs matelots. « Quand on a une fille par an chez nous c’est exceptionnel », dit le chef d’établissement.
La France comptait en 2015 environ 40 300 marins dont 44% à la pêche, soit 17 700 personnes, dont 1,5% sont des femmes, selon le ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer.
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