L’enquête officielle sur la catastrophe du Boeing-77 en Ukraine peine à commencer mais ce terrible accident est déjà servi à toutes les sauces à des fins de propagande.
La plupart des médias américains et européens se sont empressés de mettre en cause des miliciens à l’est de l’Ukraine et, par la même occasion, la Russie et ses dirigeants. Moins d’un jour après la catastrophe, les canards de Londres paraissaient avec des manchettes ouvertement accusatrices dans le genre « Poutine a tué mon fils ». Pourtant, il existe une longue pratique internationale s’agissant des accidents d’avions : éviter de nommer les coupables et les versions fantaisistes. Par quoi s’explique donc une telle hâte ? La catastrophe actuelle est d’un genre particulier parce que le malheur s’est produit dans la zone de combats. Et comme les sympathies de l’Occident sont incontestablement du côté de l’armée ukrainienne, la tentation était trop grande de faire porter le chapeau aux soi-disant séparatistes et du même coup à la Russie. En outre, les nouveaux gouvernants de l’Ukraine ont immédiatement submergé la presse nationale et occidentale d’accusations mélodramatiques adressées à Moscou qui se laissent facilement citer. Il suffit de se rappeler la déclaration du président Porochenko :
« Aujourd’hui le monde entier a vu la face véritable de l’agresseur parce que la destruction de l’avion civil est un acte de terrorisme international. »
Il est évident que Porochenko colle l’épithète d’agresseur non pas à sa propre armée qui se bat à des centaines de kilomètres de Kiev dans les régions ukrainiennes de préférence russophones, mais justement aux miliciens qui lui font face.
Les autorités ukrainiennes sont visiblement en manque de preuves réelles. Elles se résument en tout et pour aux entretiens téléphoniques des miliciens qui seraient captés sur Internet par les services spéciaux ukrainiens et qui parlent des tirs sur tels ou tels avion. Mais il y a un hic, parce que c’est depuis plus de deux mois que l’aviation ukrainienne est engagée contre les régions de Louhansk et de Donetsk. Les insurgés avait depuis ce temps réussi à abattre plus de 10 avions de combats ukrainiens dont des avions de transport, la raison pour laquelle on peut légitimement douter qu’il s’agit bien du Boeing et non pas d’autres avions, militaires cette fois. En outre, comme le fait remarquer dans son interview German Zoubov, directeur général du centre d’études phonoscopiques, les fragments d’enregistrements mis en ligne sur Internet, ne constituent pas une preuve juridique. La preuve juridiquement recevable serait le cas échéant l’enregistrement intégral que n’a pas encore été fourni par la partie ukrainienne. Les fragments publiés ne sont sans doute pas truqués mais sont bien loin de ce critère.
Ils ont coupé les fragments les plus significatifs du point de vue de la partie ukrainienne, alors que les dialogues étaient probablement beaucoup plus longs. Par exemple, les enregistrements publiés ne comportent pas de formules comme « salut », « à bientôt », « au-revoir ». Il fait absolument disposer d’un phonogramme intégral qui faciliterait le travail des experts et lèverait ou confirmerait les doutes sur l’authenticité de l’enregistrement.
Par ailleurs, ni les politiciens occidentaux, ni, à plus forte raison, la presse occidentale, n’ont aucune intention d’attendre l’enregistrement intégral ou les conclusions des experts. La président Obama s’est déjà empressé de déclarer que le missile fatal avait été tiré d’une zone contrôlée par les miliciens bien que les meilleurs experts américain en photos satellitaires eussent affirmé le contraire littéralement quelques heures auparavant. Ils disaient être certains que l’avion avait été abattu par un missile « sol-air » mais qu’il était impossible d’en situer la provenance exacte. Si Obama avait des preuves comme des photos montrant le tir de missile, pourquoi ne les avait-il pas soumis à la réunion d’hier du CS de l’ONU qui est une ambiance idéale pour ce genre de révélations ? Au lieu de cela, l’ambassadrice des États-Unis auprès de l’ONU Samantha Power connue pour ses prises de position antirusses se bornait à dire qu’il serait horrible si l’implication de la Russie dans la destruction du Boeing se confirmait.
Les journaux britanniques et américains se font entre-temps un plaisir de publier les enregistrements des conversations téléphoniques mis à disposition par le renseignement ukrainien mais, curieusement, personne ne s’intéresse aux enregistrements analogues fournis par la partie russes qui avait à son tour réussi à se procurer les propos échangés par les militaires ukrainiens au sujet de l’avion qu’ils venaient d’abattre. Toute la question est de savoir comment les miliciens qui ne disposent que de lance-roquettes portables destinés à tirer sur les hélicoptères, ont pu abattre un avion volant 10 000 mètres d’altitude. Mikhail Khodarionok, ancien décéiste et actuellement rédacteur en chef du journal Courrier militaro-industriel s’en tient à la version sur la piste ukrainienne dans cette tragédie pour la bonne raison que l’avion volant à cette altitude ne pouvait être abattu que par la batterie de missiles DCA « Buk », matériel très encombrant en dotation de l’armée ukrainienne que les miliciens ne possèdent pas :
« Il faut une brigade de DCA pour mettre cette batterie en position de tir et au moins 50 à 60 militaires très qualifé pour réaliser cette performance. »
D’ailleurs, les Américains se fichent pas mal de la complexité technique de la tâche accomplie par les destructeurs du Boeing et continuent à accabler la Russie. Le New York Times a déjà publié un article en citant des sources anonymes prétendant que le missile aurait pu être tiré depuis l’Ukraine mais était guidé par un radar situé en Russie. Ce faisant, le journal fait usage d’un procédé de propagande qui marche avec le public dilettante occidental. Il fait ressortir que les missiles « Buk » sont de fabrication russe et que, par conséquent, ce sont les Russes qui ont tiré. Les lecteurs occidentaux ignorent tout simplement qu’à l’époque soviétique la Russie et l’Ukraine avaient les mêmes armements « fabriqués en Russie ». Les médias occidentaux se posent rarement la question de savoir pourquoi les contrôleurs aériens ukrainiens n’ont pas éloigné le Boeing malaisien de la zone de combats.
Bien au contraire, ils sont prompts à mettre en parallèle l’histoire du Boeing sud-coréen que les contrôleurs aériens américains avaient pour son malheur amené dans l’espace aérien de l’Extrême-Orient russe. On rappelle à la Russie qu’il y a plus de 30 ans, cet avion avait été abattu par un chasseur russe juste au-dessus de l’île de Sakhaline truffée de sites militaires. Il existe pourtant des exemples historiques plus récents comme le Tu-154 russe abattu accidentellement par la DCA ukrainienne au-dessus de la mer Noire ou l’Airbus iranien abattu en 1988 au-dessus du golfe Persique par un missile tiré d’un navire américain que avait pris cet avion de transport pour un chasseur. Le président Reagan avait alors d’abord qualifié cet incident d’acte de défense légitime. Il est facile d’imaginer la colère « de l’opinion internationale » si une phrase pareille était sortie de la bouche des miliciens de Donetsk qui, à la différence de Reagan dans les années 1980, sont réellement exposés aux bombardements.