"Celui qui possède la connaissance possède le pouvoir", nous dit Charles Robin en faisant référence à Socrate, et à juste titre. Cela dit, pour rester dans les bornes de cette référence illustre, la question se pose de savoir quelle est la nature du pouvoir duquel le philosophe grec souhaitait (nous faire) participer. Cette question, loin d’être oiseuse, pourrait à mon sens nous aider à cibler notre énergie pour nous déprendre du "pouvoir" capitaliste dont on conteste la suprématie et l’emprise sur nos corps.
Par ailleurs, concernant le système de consommation qui semble être selon Charles Robin le lieu effectif de l’emprise capitaliste, mais aussi concernant les connivences entre la droite et la gauche pour le plein épanouissement du capitalisme, Jean Baudrillard, il me semble, a apporté des explications décisives. A ceci près qu’il ne limitait pas la consommation à l’acte passif par lequel on satisfaisait des besoins ou des plaisirs - définition qu’il renvoyait justement aux apologues et idéologues de la société de consommation -, mais à une espèce particulière de production - une production de signes. Si la production proprement dite consiste à faire advenir des objets par la transformation de la matière sensible, la consommation est l’activité par laquelle on inscrit ces objets dans un code de signes pour leur donner sens (dans tous les sens du terme). La production, qu’il faut donc entendre dans son sens étymologique le plus fort (< pro-ducere : amener à l’être, faire advenir), est bien au centre du système capitaliste qui se complait pour sa survie inlassablement à produire et à détruire, pour reproduire à nouveau. Par conséquent, c’est elle, la production, celle qui nous pousse, sans relâche, à nous produire, à nous rendre public et visible, par tous les moyens possibles, stimulant d’ailleurs par la même occasion la mise en vente d’objets de consommation, fussent-ils ostensiblement contestataires ; c’est elle, la production, qu’il faut attaquer de front. C’est elle le lieu stratégique du pouvoir capitaliste, et non directement la jouissance d’objets de consommation (bien que cette jouissance lui soit d’un appui indéniable).
C’est peut-être ici le moment de retourner à Socrate (c’est-à-dire aux textes eux-mêmes, avec beaucoup de patience, et non à la vulgate). Il nous apprendra peut-être à quel type de pouvoir nous pouvons nous fier pour faire face au "pouvoir" capitaliste.
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