Les élections présidentielles de 2013 ont porté Nicolas Maduro à la tête du pays avec 50,62 % des suffrages. La continuation de la révolution bolivarienne, dynamique socialiste visant à mettre les richesses nationales au service du plus grand nombre (missions d’alphabétisation, reformes du système de santé, partage de la rente pétrolière…) a donc été confirmée d’une très courte majorité par les Vénézuéliens, malgré les difficultés et les tâtonnements que connaît l’émergence de ce modèle iconoclaste.
L’opposition, réunie lors des élections présidentielles en une large coalition, est sortie renforcée par son résultat inespéré. Une progression que les élections municipales de décembre n’ont cependant pas confirmée, amenant les opposants à se tourner vers les manifestations de rue.
Ces mouvements de contestation reçoivent le soutien inconditionnel des pays occidentaux et de leurs médias officiels. Une position qui se comprend aisément quand on sait que le Venezuela, qui a entre ses mains les plus grandes réserves de pétrole prouvées au monde, est bien déterminé à maintenir et développer son appui à toutes les initiatives géopolitiques contrecarrant les perspectives d’un monde unipolaire sous domination occidentale.
Pour nos médias, les agitations internes ayant aujourd’hui lieu au Venezuela sont la preuve de la nature dictatoriale du pouvoir en place, ce qui leur permet de jeter l’opprobre sur la gouvernance chaviste dans son ensemble.
Une situation qui nous a amenés à nous rendre sur le terrain, pour observer sans intermédiaire la réalité politique et sociale à Caracas.
Un traitement partial de l’information par les médias
La propagande médiatique occidentale se base essentiellement sur un traitement très partial de l’information. Les réussites économiques du système bolivarien (le taux de chômage se limite à 5,6 % en janvier 2014, le plus bas niveau depuis 1998) tout comme les manifestations massives et populaires de soutien au régime sont totalement occultées. Cependant, la moindre bribe d’échauffourée est immédiatement mise en avant comme élément à charge.
À titre d’exemple, quand, le 9 mars 2014, Maduro rencontre des mouvements communautaires venus de tout le pays et leur octroie 2 400 millions de bolivars (276 millions d’euros) pour leurs projets socio-productifs de construction de logements, on montre uniquement les jeunes brûlant des poubelles. Quand, le 12 mars, une gigantesque foule d’étudiants des milieux populaires défile pour défendre les institutions démocratiques face aux violences des casseurs, l’AFP et Reuters préfèrent se planquer à Altamira (quartier financier et touristique de Caracas) dans l’espoir d’y observer des affrontements.
D’une façon générale, c’est d’ailleurs bien le sang que les journalistes occidentaux semblent attendre. La prise d’image commence après les provocations spontanées de l’opposition. Le traitement de l’image se résume par ailleurs à l’évocation d’une révolte « populaire » et « démocratique » même si dans les faits il s’agit… d’une poignée de jeunes, issus des classes riches et des universités privées, qui mettent le feu à des institutions gouvernementales !
Des événements imbibés d’ingérence étrangère
Les jeunes révoltés évoquent continuellement les morts pour justifier leurs actions. Des morts bien réels, il n’y a aucun doute sur la question. L’identité des meurtriers pourrait cependant être plus incertaine.
Il y a d’abord une contradiction évidente. Nous avons constaté sur le terrain une tenue très responsable de la part de la police, qui privilégie le dialogue et n’entre en action qu’en réponse à la violence des manifestants. On voit mal pourquoi, dans le même temps, le pouvoir se comporterait en État criminel via des tirs de snipers embusqués.
Concernant ces assassinats, nombreux sont ceux au Venezuela qui y voient l’œuvre des AUC, des groupes paramilitaires colombiens se finançant entre autres par le trafic de drogue. Ils sont considérés comme les soutiens d’Alvaro Uribe pour son accession au pouvoir en 2002 [1]. Plusieurs preuves vidéos ou témoignages les incriminant circulent au Venezuela, y compris à la télévision, des faits qui ne retiennent étrangement pas l’attention des médias occidentaux.
À l’heure où l’on diabolise Maduro, on entend peu parler de la composition concrète de l’opposition. On comprend pourquoi lorsque l’on s’intéresse en détail à son leader, Henrique Capriles Radonski, et à son entourage.
Avocat de formation, Radonski est petit-fils de déportés polonais morts dans le camp de Treblinka. Il est en outre issu d’une des familles les plus riches du pays. Il a participé à la prise d’assaut sur l’ambassade cubaine au cours de la tentative de coup d’État de 2002. Il sera incarcéré puis relaxé. Le programme présidentiel de Radonski en 2013, en tant que chef de la large coalition d’opposition, supposait d’importants désengagements de l’État, y compris, en partie, au sein du secteur pétrolier [2]. Son richissime allié et autre grande figure de l’opposition, Leopoldo López, est directement lié aux institutions politiques américaines et à la CIA [3]. Il avait été élu dans son bastion en tant que maire, mais destitué suite à des affaires de corruption. Il a ainsi été privé d’activité politique jusqu’en 2014. Il reste aujourd’hui très actif à travers l’actuel mouvement de contestation.
Radonski a refusé les propositions de dialogue de Maduro, en invoquant une répression brutale des manifestations [4]. Cette position constitue le fil rouge de l’opposition : on ne peut dialoguer avec un pouvoir qui assassine.
Sur le terrain, c’est JAVU qui représente l’une des structures essentielles de la contestation. Cette organisation est intimement liée au mouvement étudiant de contestation CANVAS [5], une ONG issue du groupe serbe OTPOR, l’organe soutenu depuis l’étranger qui avait été notamment le fer de lance de la déstabilisation du pouvoir de Milosevic. OTPOR/CANVAS et leurs ramifications ont été actives dans de nombreuses « révolutions colorées » et autres mouvements soutenus par les Occidentaux au cours des quinze dernières années (Serbie, Ukraine, Égypte…). Cette nébuleuse, qui s’affiche comme spécialisée dans les manifestations « non-violentes » et dont le symbole récurrent est un poing fermé, reçoit ouvertement des formations et des financements de la part des habituels sponsors « philanthropes » américains que sont l’Open Society Institute de Soros, la National Endowment for Democracy (NED) et la Freedom House [6].
Le cas vénézuélien cristallise les oppositions au sein du continent américain
Au niveau international, les réactions aux événements actuels dévoilent les différents niveaux de soumission à l’atlantisme. Loin d’être un dirigeant isolé, tel que le sous-entendent les Occidentaux en vue de servir leur vision manichéenne du sujet, les annonces de soutien à Maduro se sont multipliées, en particulier en Amérique du Sud. Le conseil permanent de l’OEA (Organisation des États américains) a exprimé sa solidarité envers Maduro via une déclaration appelant à la continuation du dialogue national. La déclaration a été approuvée par 29 pays (et rejetée par seulement 3 membres, les États-Unis, le Canada et le Panama).
Michelle Bachelet, présidente du Chili, a plusieurs fois fait part de son soutien au gouvernement de Maduro, en marge de la réunion de l’UNASUR du 12 mars [7]. Rafael Correa, le président de l’Équateur, a déclaré la veille de la résolution de l’OEA : « Je prends position pour la vérité […]. Nicolas Maduro est un humaniste, et jamais il ne serait capable de réprimer son propre peuple [8]. » Cristina Fernández de Kirchner, présidente de l’Argentine, a quant à elle évoqué une « tentative de coup d’État doux que l’on essaye d’organiser contre la République bolivarienne du Venezuela ».
Un peuple uni autour d’une volonté commune
Si nous avons mis en avant les manifestations pacifistes de soutien au régime, délibérément ignorées par nos médias officiels, il faut savoir que la popularité de Maduro est plus profonde encore. C’est le sentiment marquant qui peut toucher toute personne se rendant sur place et observant le pays de l’intérieur avec sincérité. Il règne une atmosphère de participation populaire au large projet de révolution nationale. Dans leur majorité, les classes populaires font corps avec un régime qui leur a apporté plus de justice sociale et une autodétermination concrète. Ils se sentent véritablement acteurs du changement entamé il y a bientôt quinze ans.
Ce changement ne se fait pas sans embûche. La construction d’une base économique juste par le partage collectif des richesses du sol fait connaître au Venezuela les complications du contrôle du taux de change, aggravées par la pétro-dépendance persistante du pays. Les choix politiques difficiles qui en résultent, excluant le sacrifice des plus modestes, n’est pas à l’abri de contestations prévisibles. Y compris de la part d’une classe moyenne qui, malgré les appels à la cohésion vibrants de Chávez à son endroit [9], se laisse tenter par les promesses de réussite bourgeoise du néolibéralisme et vient grossir progressivement les rangs de la contestation.
Mais globalement, le symbole est là, et fort. Avec le soutien des réseaux mondialistes et de la propagande occidentale, la jeunesse dorée brûle des poubelles et barre les rues dans des impasses en réclamant la « liberté ». Cependant, le peuple enjambe leurs mini-flammes pour aller au travail, continuant ainsi la marche de la révolution bolivarienne.